Construit en 1972, le barrage du lac Barrière «a pour vocation le rehaussement de la surface libre des lacs Barrière et Simon à des fins de navigation estivale de même que du maintien de la circulation et de la qualité de l’eau dans une baie en particulier», peut-on lire sur le site Internet de la Municipalité de Lac-Simon.
Or, ce barrage à déversoir en béton et en poutrelles de bois «situé au sein du bassin versant de la rivière de la Petite Nation au droit de l’exutoire du lac Barrière» suscite la grogne depuis déjà plusieurs années auprès des riverains et municipalités basés en aval de l’infrastructure.
C’est que chaque fois que Lac-Simon, qui gère le barrage, ajoute une poutrelle pour augmenter la quantité d’eau dans ses deux lacs interreliés, le niveau de la rivière de la Petite-Nation baisse.
Il y a trois ans, Dominique Simard, a fait l’achat, avec son conjoint, d’un chalet à Saint-André-Avellin, en bordure de la rivière Petite-Nation. La riveraine se bat depuis ce temps pour que la situation change.
Fondatrice de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite-Nation, elle déplore qu’un barrage géré mécaniquement puisse encore exister en 2021.
«Le 28 mai dernier, sans avertir les autres municipalités en aval, ils ont ajouté la dernière poutrelle et le niveau d’eau a tellement baissé, peste Mme Simard. On avait l’impression d’avoir une rivière asséchée comme si nous étions en plein mois d’août. Sans penser aux poissons, aux tortues, aux oiseaux aquatiques et aux citoyens qui tirent leur eau de la rivière avec une pompe, ils ont ajouté toutes les poutres. [...] On comprend que Lac-Simon doit répondre aux besoins de ses citoyens, mais on ne peut pas juste penser en nombrilistes et dire qu’on monte le niveau d’eau parce que nous avons besoin d’eau. Nous sommes tous dans le même bateau. Quand il fait chaud au mois de mai, en 2021, tout le monde a besoin d’eau, même les gens en aval. On ne peut pas assécher une rivière comme ça.»
Un changement de barrage réclamé
Mme Simard, dont le regroupement a obtenu l’appui, par voie de résolution, des conseils municipaux de Ripon et Saint-André-Avellin, reproche à Lac-Simon de gérer l’infrastructure hydraulique en fonction des besoins des plaisanciers de l’endroit.
«Ce qu’on veut, c’est un changement de barrage. Ça fait trois ans qu’on se bat pour ça. On ne veut plus de poutrelles. On veut quelque chose de naturel qui va bien répartir l’eau d’un côté comme de l’autre. On ne peut pas continuer à gérer l’eau de cette façon. On met en péril plusieurs espèces animales et c’est la qualité de vie des gens en aval qui est aussi affectée», clame Mme Simard.
Le regroupement de riverains demande aussi que Lac-Simon, qui doit procéder à une étude de son barrage en 2022, tienne compte dans son analyse des impacts environnementaux en aval de l’infrastructure.
Des décisions basées sur un «plan de gestion»
Le maire de Lac-Simon, Jean-Paul Descoeurs, affirme que son directeur des travaux publics applique un plan de gestion établi par des ingénieurs. Les poutrelles doivent être ajoutées ou retirées, selon des règles métriques précises, en fonction du niveau de l’eau. Les décisions ne sont aucunement basées sur le désir des plaisanciers, assure-t-il.
«Le lac Barrière, qui fait partie du lac Simon, c’est le poumon du lac Simon et de l’eau potable qu’on envoie en aval. On a la baie Groulx et quelques endroits qui sont des lieux importants pour l’oxygène du lac. Si notre niveau d’eau n’est pas bon à ces endroits-là, on va leur envoyer en bas de l’eau qui n’est pas bonne. [...] On suit le plan de gestion du barrage religieusement. On doit maintenir la qualité de l’eau du lac Simon», se défend le maire à propos de la manière dont est opérée l’infrastructure.
M. Descoeurs souligne que depuis 2014, le barrage a changé de niveau de sécurité. Les obligations en matière de gestion de la part de la Municipalité ont été modifiées. Le plan de gestion du barrage doit être révisé tous les huit ans. Une étude sur la sécurité du barrage et une révision du plan de gestion sont d’ailleurs prévues en 2022, en fonction des exigences du Centre d’expertise hydrique du Québec et du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
Par ailleurs, lors d’une rencontre initiée en novembre 2019 par Lac-Simon, à laquelle ont pris part les maires de Ripon, Saint-André-Avellin et des intervenants du ministère des Transports, du ministère de l’Environnement et du ministère de la Sécurité publique, M. Descoeurs avait proposé que le barrage soit remplacé par une infrastructure en V qui serait «autogérée» régionalement.
«J’ai proposé un barrage en V et tout le monde a refusé d’embarquer pour nous aider à payer. Nous ne sommes pas pour investir 12 ou 13 millions de dollars tout seuls. On va continuer à la mitaine», lance M. Descoeurs.
Les municipalités en aval subissent
Le maire de Ripon, Luc Desjardins, dont le conseil appui l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite-Nation, souligne que plusieurs de ses résidents riverains ont subi des dégâts au fil des ans à cause des fluctuations du niveau de l’eau de la rivière causée par la gestion du barrage du lac Barrière. «On a des gens qui prennent leur eau dans la rivière et qui ont brûlé leur pompe. Ça crée beaucoup de mécontentement. Ce qui est bien au moins depuis quelques années, c’est que Lac-Simon nous avertit environ une semaine à l’avance avant qu’ajouter ou de retirer une poutrelle», note M. Desjardins.
M. Desjardins ne voit pas de solution à court terme au problème puisque le remplacement de l’actuel barrage par une infrastructure plus moderne nécessitera d’importants investissements. Ripon a déjà dit non au projet en 2019 et il n’est pas question aujourd’hui de changer d’idée, réitère le premier magistrat.
«Lac-Simon veut qu’on paie une partie, mais ce n’est pas à nous, en aval, de payer pour ça. La Municipalité de Lac-Simon, la richesse qu’elle possède, c’est son lac et s’il n’y avait pas de barrage, peut-être que le lac Barrière aurait l’air d’une rivière et qu’il y aurait moins d’eau dedans. Je comprends que le lac Simon représente un gros moteur économique. C’est une municipalité riche à cause de ses valeurs foncières, mais s’il n’y avait jamais eu de barrage, le lac Barrière serait sûrement plus petit et il n’y aurait pas de passage à bateau entre ce lac et le lac Simon», mentionne M. Desjardins.
De son côté, le maire de Saint-André-Avellin, Jean-René Carrière, semble résigné à vivre avec la situation qui perdure depuis des décennies.
«On subit, hors de tout doute, le niveau d’eau demandé par les gens du lac Simon. Je comprends la grogne de nos gens qui se retrouvent à ne plus pouvoir puiser leur eau dans la rivière ou qui voient leur quai se retrouver à un endroit qui n’est plus raisonnable parce que le niveau de la rivière a descendu. Malheureusement, on peut réitérer les plaintes, mais ça ne donnera rien. C’est un dossier plate et épineux. C’est très difficile pour nous de voir un côté positif quant à la gestion de ce barrage», dit-il.
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Des poutrelles de bois sont ajoutées à un barrage du lac Barrière,
administré par la municipalité de Lac-Simon, pour contenir l’eau qui se
déverse dans la rivière de la Petite Nation.
Amélie Samoisette (à gauche) et Dominique Simard sont cofondatrices de
l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière
Petite Nation, qui mobilise plus de 100 résidants. Derrière elles se
trouve la rivière asséchée au niveau de la municipalité de
Saint-André-Avellin.