lundi 4 août 2025

DES RÉFÉRENDUMS INÉDITS CONTRE UN PROJET MINIER

🗳Référendum - Dimanche 31 août 2025 🗳

✊💧NON à la mine La Loutre de Lomiko!💧✊

🗳 18 août: envoi par la poste des bulletins de vote par CORRESPONDENCE qui devront être reçus par la municipalité au plus tard le 29 août.
🗳 24 août: vote par ANTICIPATION à l’hôtel de ville, de midi à 20h.
🗳 31 août: JOURNEE DE VOTE à l’hôtel de ville, de 10h à 20h.



PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE 
Le lac Doré, en Outaouais. Près du plan d’eau, la société Lomiko Metals détient 76 claims miniers qui lui permettraient d’exploiter un important gisement de graphite

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE 
Une affiche contre l’exploitation minière est installée devant le chalet de François Hayes, en bordure du lac Doré.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE 
David Pharand, maire de Duhamel

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE 
François Hayes possède un chalet en bordure du lac Doré et il s’oppose à l’exploitation minière dans la région.

 PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE 
Geneviève Gagnon, propriétaire des Quincailleries Gagnon, important employeur dans la Petite Nation

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE 
Louis St-Hilaire est le fondateur du Regroupement de protection des lacs de la Petite Nation.




 

DES RÉFÉRENDUMS INÉDITS CONTRE UN PROJET MINIER

Tel David contre Goliath, cinq municipalités de l’Outaouais se battent farouchement pour empêcher un projet minier dans leur région. Dans l’espoir d’être entendues par le gouvernement du Québec, elles tiendront le 31 août prochain une série de référendums dans le cadre desquels la population pourra se prononcer sur l’avenir de leur territoire.
4 août
Éric-Pierre Champagne (photos: Robert Skinner)
La Presse
« Il y a les mines qui ont tous les pouvoirs, après il y a Dieu, et puis nous autres tout en bas », lance Gilbert Brosseau, un résidant de Duhamel, en Outaouais, qui habite une maison au bord du lac Doré. Sur l’autre rive, la société Lomiko détient des dizaines de claims miniers et caresse l’espoir d’y exploiter le graphite.
« Ça, c’est une citation d’Henri Jacob [le militant écologiste]. Il dit toujours qu’avant Dieu, il y a la Loi sur les mines », répond Louis St-Hilaire, ancien cadre de la Banque Nationale qui a fondé le Regroupement de protection des lacs de la Petite Nation.
Une phrase qui résume bien l’état d’esprit de nombreux résidants de la Petite Nation, un secteur de l’Outaouais situé entre Mont-Tremblant et Gatineau bien connu pour ses attraits récréotouristiques.
Tous les citoyens rencontrés par La Presse pour ce reportage partagent d’ailleurs la même conclusion : l’impression d’être laissés à eux-mêmes dans une bataille presque perdue d’avance.
De l’autre côté du lac Doré, la société Lomiko Metals détient 76 claims miniers qui lui permettraient de tirer profit d’un important gisement de graphite, en plus d’avoir l’appui du département américain de la Défense.
Le projet baptisé La Loutre, s’il se concrétise, se traduirait par l’ouverture d’une mine à ciel ouvert sur un site considéré comme le septième gisement de graphite en importance au monde, selon le magazine spécialisé Mining.com.
Lomiko n’a pas encore le feu vert du gouvernement du Québec pour exploiter une mine, mais la société a déjà commencé depuis quelques années des travaux d’exploration sur le site de 4528 hectares, soit un peu plus de cinq fois la superficie du parc national du Mont-Saint-Bruno, en Montérégie.
Lomiko a obtenu récemment une autorisation pour des travaux d’exploration « à impact » du ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF).
« Pas d’acceptabilité sociale, pas de projet »
S’il fait tant réagir, c’est que ce projet est situé dans le sud du Québec, où on a constaté une explosion des claims miniers au cours des dernières années, soulevant des inquiétudes notamment dans les Laurentides, dans Lanaudière et en Outaouais.
Pour répondre aux préoccupations grandissantes de leurs citoyens, les municipalités de Duhamel, Lac-des-Plages, Lac-Simon, Chénéville et Saint-Émile-de-Suffolk ont pris la décision d’organiser chacune un référendum sur cet enjeu.
La question posée sera essentiellement la même pour chaque municipalité, sauf pour l’emplacement du projet par rapport à la localité concernée : « Êtes-vous favorable à l’implantation d’un projet minier de graphite à ciel ouvert, se situant… »
Mais contrairement à un référendum portant par exemple sur un changement à un règlement d’urbanisme, les résultats de ces cinq consultations n’auront pas un caractère contraignant.
Malgré cela, les opposants au projet minier comptent sur les résultats référendaires pour convaincre Québec qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale pour une mine de graphite dans leur région. Une très forte majorité de la population serait contre le projet.
« C’est ça, la promesse du gouvernement : pas d’acceptabilité sociale, pas de projet. J’espère que les bottines vont suivre les babines », confie Geneviève Gagnon, propriétaire des Quincailleries Gagnon, l’un des plus importants employeurs de la région.
Même si le gouvernement du Québec a refusé de financer le projet, puisqu’il ne répond pas à ses critères, notamment en matière d’acceptabilité sociale, il pourrait néanmoins délivrer un permis à Lomiko, rappellent ses opposants.
Impacts importants sur le territoire
Selon Rodrigue Turgeon, coresponsable de la campagne nationale de Mining Watch Canada et porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, c’est la toute première fois qu’on voit des municipalités organiser un référendum sur un projet minier. « C’est une bonne nouvelle pour la démocratie », croit-il.
« Un référendum, ce n’est pas l’idéal, c’est un peu conflictuel », signale Julie Reid-Forget, ancienne vice-présidente du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), maintenant consultante pour le monde municipal sur les enjeux miniers et forestiers. Elle a notamment conseillé les cinq municipalités de la Petite Nation au cours de la dernière année.
Mme Reid-Forget rappelle que le monde municipal a réclamé en vain au gouvernement du Québec d’avoir un droit de regard sur les projets miniers sur leur territoire.
« Mais si ces municipalités veulent mesurer l’acceptabilité sociale, peut-être qu’un référendum, c’est une bonne idée après tout », lance-t-elle.
« Ces municipalités dans le sud du Québec ont tout de même raison de s’inquiéter », précise Danielle Pilette, professeure à l’UQAM et spécialiste des enjeux d’urbanisme et de gouvernance. Elle rappelle qu’un projet minier peut avoir d’importants impacts sur leur territoire et leur économie.
« Je compare ça à une industrie qui voudrait s’installer dans notre région et il faudrait changer l’usage du territoire, le zonage, pour le permettre. Je trouve que c’est la responsabilité de la municipalité de préparer une consultation publique et demander au promoteur d’expliquer son projet. Ça n’a pas de sens qu’on n’ait pas notre mot à dire », affirme David Pharand, maire de Duhamel.

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« Une mine, ça opère 24 heures sur 24 »
4 août
Éric-Pierre Champagne (photos: Robert Skinner)
La Presse
Le projet minier de Lomiko suscite des inquiétudes dans la région de la Petite Nation, qui mise surtout sur le tourisme comme moteur économique.
« Nous sommes dans une situation unique au Québec. Nous avons deux parcs de la SEPAQ dans la région, le centre touristique du Lac-Simon, la réserve faunique Papineau-Labelle », résume David Pharand, maire de Duhamel.
L’élu souligne que les municipalités de la Petite Nation cherchent à améliorer l’offre touristique dans la région.
« On veut que les séjours de deux ou trois nuits passent à quatre ou cinq nuits. On veut que les gens restent plus longtemps chez nous, mais une activité minière, ça ne cadre pas avec notre vision. » ~ David Pharand, maire de Duhamel.
François Hayes possède un chalet au bord du lac Doré qui a été construit par son arrière-grand-père dans les années 1930.
Il a été le premier, en 2015, à remarquer qu’il y avait des travaux d’exploration minière de l’autre côté du lac. Depuis, il dit s’être beaucoup informé sur la société Lomiko et sur les mines de graphite.
Équipement de baseball et aréna
« Une mine, ça opère 24 heures sur 24. Chaque jour, on fait exploser la roche. Il y a une sirène avant l’explosion, explique-t-il. Après, c’est de la machinerie qui ramasse les débris et concasse la roche. Tout ça, c’est très bruyant et ici, en pleine nature, le bruit circule beaucoup. Et c’est sans compter les autres enjeux pour l’air, l’eau, etc. », signale François Hayes.
« J’en suis rendu à mon troisième PDG chez Lomiko et ils nous ont fait toutes sortes de promesses depuis toutes ces années. Ils nous ont dit qu’ils allaient construire un aréna, ou faire ceci ou cela, tu sais, des affaires comme ça pour qu’on accepte la mine. » ~ David Pharand, maire de Duhamel
« Paul Gill [ancien président de Lomiko] nous disait que si on avait une équipe de baseball pour les jeunes, l’entreprise pourrait lui acheter des uniformes et des casquettes. Il répétait qu’il fallait trouver une solution gagnant-gagnant. »
« Il a fallu que je leur rappelle qu’il va y avoir un gagnant et un perdant à la fin. Ils pourraient avoir perdu leur temps et des dizaines de millions de dollars parce que le gouvernement aura écouté la population et refusé le projet. À l’inverse, le gouvernement pourrait leur donner le feu vert et la population aura perdu sa bataille », mentionne M. Pharand.

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📰🗞Lomiko Metals se retire de la consultation

Après avoir participé à une première rencontre avec des citoyens, en juillet 2024, Lomiko Metals a décidé de se retirer du processus consultatif organisé par les municipalités de la Petite Nation. Deux autres rencontres étaient prévues, en août et en septembre 2024.
« On a eu des échanges après la première rencontre pour améliorer la formule, on s’était entendus sur les améliorations à apporter, mais ils nous sont revenus plus tard en nous disant que leur conseil d’administration avait décidé que Lomiko ne participerait pas aux autres rencontres », indique David Pharand, maire de Duhamel.
« Nous désirons éviter toute confusion et tout malentendu concernant le projet, puisque nous n’avons pas tous les détails », souligne la porte-parole de Lomiko, Pamela Marquez, en réponse à une demande d’entrevue de La Presse avec un représentant de la société minière.
« Afin de favoriser un esprit impartial, nous organisons des séances de discussion en petits groupes avec la communauté », ajoute-t-elle. Lomiko tiendra notamment deux séances d’information en ligne au cours du mois d’août.
L’entreprise a aussi refusé de participer au processus référendaire et de former le camp du Oui, indique David Pharand.

« Dès l’automne [2024], on les a informés qu’il y aurait un référendum et on les a invités à y participer. À partir du mois de juin, j’ai senti qu’il y a eu comme un blocage de leur part. »
« Pour ce qui est du sondage cet été, nous avons décidé qu’il serait préférable de tenir des rencontres plutôt que d’avoir une exposition publique », affirme Pamela Marquez dans une réponse par courriel à La Presse.
Processus inhabituel
Selon Rodrigue Turgeon, porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, cet exercice référendaire peut devenir un élément irritant pour une société minière en lui imposant un exercice qui ne lui est pas familier.
« Pour une entreprise, ça devient difficile, à un moment donné, de déconstruire tout ça. Il y a toutes sortes d’informations qui circulent, qui ne sont pas nécessairement véridiques, ça devient extrêmement complexe », souligne néanmoins Alain Poirier, directeur général de l’Association pour l’exploration minière du Québec.
« Dans ce cas-ci, les gens semblent assez braqués contre le projet [de Lomiko], mais le gouvernement du Québec a quand même une certaine responsabilité là-dedans », ajoute-t-il.

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Les municipalités demandent l’aide de Québec
Les cinq municipalités de la Petite Nation qui se battent contre le projet de Lomiko ont demandé en vain l’aide du gouvernement du Québec pour organiser leurs référendums.
Dans un mémoire déposé dans le cadre de la réforme de la Loi sur les mines, en mai 2023, le maire de Duhamel, David Pharand, et ses collègues des autres villages ont plaidé sans succès pour la création d’un fonds de soutien pour les municipalités.
« Il y a un déséquilibre face à des entreprises qui ont beaucoup de moyens », lance David Pharand.
« Nous, on est de petites municipalités, on est un peu laissés à nous-mêmes. Pourtant, il ne manque pas de subventions pour aider l’industrie minière. » ~ David Pharand, maire de Duhamel
Ce cri du cœur ne laisse pas indifférente Julie Reid-Forget, ancienne vice-présidente du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). « Les municipalités, surtout celles qui ne veulent pas de mines, sont démunies autant face aux entreprises [minières] que face au gouvernement. »
Elle juge que les audiences du BAPE arrivent trop tard dans le processus. Le cadre de gouvernance entourant les projets miniers favorise surtout les municipalités favorables à cette industrie sur leur territoire, croit-elle.
Restrictions budgétaires
Mme Reid-Forget donne pour exemple les services offerts par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) pour accompagner les promoteurs et les municipalités afin de favoriser l’acceptabilité sociale d’un projet.
David Pharand dit pourtant avoir demandé qu’un fonctionnaire du MRNF puisse participer à des séances de consultation publique pour répondre à des questions des citoyens. Une demande qui a été refusée.
Le Ministère justifie sa décision par « des restrictions budgétaires en place actuellement ».
Rodrigue Turgeon, porte-parole pour Québec meilleure mine, est estomaqué par cette réponse. « Il y a fort à parier que si les gens votent majoritairement non à une mine dans leur région, le Ministère va répondre que les citoyens n’avaient pas suffisamment d’information pour se prononcer. Mais quand on leur a demandé d’aller répondre aux questions, ils ont refusé de le faire ! »
Ironiquement, Alain Poirier, directeur général de l’Association pour l’exploration minière du Québec (AEMQ), n’est pas surpris d’apprendre que le MRNF a refusé la demande d’aide des municipalités. « Le gouvernement laisse aux entreprises des responsabilités qui ne leur reviennent pas nécessairement. »

M. Poirier plaide que c’est le gouvernement du Québec qui délivre les titres miniers, approuve les projets, perçoit les redevances, les taxes, les impôts. « Le gouvernement devrait s’impliquer beaucoup plus tôt dans le processus », ajoute-t-il.