mardi 8 juin 2021

Un barrage qui Divise à Lac-Simon


 

Un barrage qui divise à Lac-Simon
Benoit Sabourin 
8 juin 2021

Des propriétaires habitant le long de la rivière de la Petite-Nation en ont ras-le-bol de la gestion du barrage du lac Barrière qui est faite mécaniquement par la Municipalité de Lac-Simon et qui nuit, selon eux, à la faune, la flore et la qualité de vie des riverains qui résident en aval de l’affluent.

Construit en 1972, le barrage du lac Barrière «a pour vocation le rehaussement de la surface libre des lacs Barrière et Simon à des fins de navigation estivale de même que du maintien de la circulation et de la qualité de l’eau dans une baie en particulier», peut-on lire sur le site Internet de la Municipalité de Lac-Simon.

Or, ce barrage à déversoir en béton et en poutrelles de bois «situé au sein du bassin versant de la rivière de la Petite Nation au droit de l’exutoire du lac Barrière» suscite la grogne depuis déjà plusieurs années auprès des riverains et municipalités basés en aval de l’infrastructure.

C’est que chaque fois que Lac-Simon, qui gère le barrage, ajoute une poutrelle pour augmenter la quantité d’eau dans ses deux lacs interreliés, le niveau de la rivière de la Petite-Nation baisse.

Il y a trois ans, Dominique Simard, a fait l’achat, avec son conjoint, d’un chalet à Saint-André-Avellin, en bordure de la rivière Petite-Nation. La riveraine se bat depuis ce temps pour que la situation change. 

Fondatrice de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite-Nation, elle déplore qu’un barrage géré mécaniquement puisse encore exister en 2021.

«Le 28 mai dernier, sans avertir les autres municipalités en aval, ils ont ajouté la dernière poutrelle et le niveau d’eau a tellement baissé, peste Mme Simard. On avait l’impression d’avoir une rivière asséchée comme si nous étions en plein mois d’août. Sans penser aux poissons, aux tortues, aux oiseaux aquatiques et aux citoyens qui tirent leur eau de la rivière avec une pompe, ils ont ajouté toutes les poutres. [...] On comprend que Lac-Simon doit répondre aux besoins de ses citoyens, mais on ne peut pas juste penser en nombrilistes et dire qu’on monte le niveau d’eau parce que nous avons besoin d’eau. Nous sommes tous dans le même bateau. Quand il fait chaud au mois de mai, en 2021, tout le monde a besoin d’eau, même les gens en aval. On ne peut pas assécher une rivière comme ça.»

Un changement de barrage réclamé 

Mme Simard, dont le regroupement a obtenu l’appui, par voie de résolution, des conseils municipaux de Ripon et Saint-André-Avellin, reproche à Lac-Simon de gérer l’infrastructure hydraulique en fonction des besoins des plaisanciers de l’endroit.

«Ce qu’on veut, c’est un changement de barrage. Ça fait trois ans qu’on se bat pour ça. On ne veut plus de poutrelles. On veut quelque chose de naturel qui va bien répartir l’eau d’un côté comme de l’autre. On ne peut pas continuer à gérer l’eau de cette façon. On met en péril plusieurs espèces animales et c’est la qualité de vie des gens en aval qui est aussi affectée», clame Mme Simard.

Le regroupement de riverains demande aussi que Lac-Simon, qui doit procéder à une étude de son barrage en 2022, tienne compte dans son analyse des impacts environnementaux en aval de l’infrastructure. 

Des décisions basées sur un «plan de gestion»

Le maire de Lac-Simon, Jean-Paul Descoeurs, affirme que son directeur des travaux publics applique un plan de gestion établi par des ingénieurs. Les poutrelles doivent être ajoutées ou retirées, selon des règles métriques précises, en fonction du niveau de l’eau. Les décisions ne sont aucunement basées sur le désir des plaisanciers, assure-t-il. 

«Le lac Barrière, qui fait partie du lac Simon, c’est le poumon du lac Simon et de l’eau potable qu’on envoie en aval. On a la baie Groulx et quelques endroits qui sont des lieux importants pour l’oxygène du lac. Si notre niveau d’eau n’est pas bon à ces endroits-là, on va leur envoyer en bas de l’eau qui n’est pas bonne. [...] On suit le plan de gestion du barrage religieusement. On doit maintenir la qualité de l’eau du lac Simon», se défend le maire à propos de la manière dont est opérée l’infrastructure. 

M. Descoeurs souligne que depuis 2014, le barrage a changé de niveau de sécurité. Les obligations en matière de gestion de la part de la Municipalité ont été modifiées. Le plan de gestion du barrage doit être révisé tous les huit ans. Une étude sur la sécurité du barrage et une révision du plan de gestion sont d’ailleurs prévues en 2022, en fonction des exigences du Centre d’expertise hydrique du Québec et du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Par ailleurs, lors d’une rencontre initiée en novembre 2019 par Lac-Simon, à laquelle ont pris part les maires de Ripon, Saint-André-Avellin et des intervenants du ministère des Transports, du ministère de l’Environnement et du ministère de la Sécurité publique, M. Descoeurs avait proposé que le barrage soit remplacé par une infrastructure en V qui serait «autogérée» régionalement.

«J’ai proposé un barrage en V et tout le monde a refusé d’embarquer pour nous aider à payer. Nous ne sommes pas pour investir 12 ou 13 millions de dollars tout seuls. On va continuer à la mitaine», lance M. Descoeurs.

Les municipalités en aval subissent

Le maire de Ripon, Luc Desjardins, dont le conseil appui l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite-Nation, souligne que plusieurs de ses résidents riverains ont subi des dégâts au fil des ans à cause des fluctuations du niveau de l’eau de la rivière causée par la gestion du barrage du lac Barrière. «On a des gens qui prennent leur eau dans la rivière et qui ont brûlé leur pompe. Ça crée beaucoup de mécontentement. Ce qui est bien au moins depuis quelques années, c’est que Lac-Simon nous avertit environ une semaine à l’avance avant qu’ajouter ou de retirer une poutrelle», note M. Desjardins.

M. Desjardins ne voit pas de solution à court terme au problème puisque le remplacement de l’actuel barrage par une infrastructure plus moderne nécessitera d’importants investissements. Ripon a déjà dit non au projet en 2019 et il n’est pas question aujourd’hui de changer d’idée, réitère le premier magistrat.

«Lac-Simon veut qu’on paie une partie, mais ce n’est pas à nous, en aval, de payer pour ça. La Municipalité de Lac-Simon, la richesse qu’elle possède, c’est son lac et s’il n’y avait pas de barrage, peut-être que le lac Barrière aurait l’air d’une rivière et qu’il y aurait moins d’eau dedans. Je comprends que le lac Simon représente un gros moteur économique. C’est une municipalité riche à cause de ses valeurs foncières, mais s’il n’y avait jamais eu de barrage, le lac Barrière serait sûrement plus petit et il n’y aurait pas de passage à bateau entre ce lac et le lac Simon», mentionne M. Desjardins.

De son côté, le maire de Saint-André-Avellin, Jean-René Carrière, semble résigné à vivre avec la situation qui perdure depuis des décennies.

«On subit, hors de tout doute, le niveau d’eau demandé par les gens du lac Simon. Je comprends la grogne de nos gens qui se retrouvent à ne plus pouvoir puiser leur eau dans la rivière ou qui voient leur quai se retrouver à un endroit qui n’est plus raisonnable parce que le niveau de la rivière a descendu. Malheureusement, on peut réitérer les plaintes, mais ça ne donnera rien. C’est un dossier plate et épineux. C’est très difficile pour nous de voir un côté positif quant à la gestion de ce barrage», dit-il.

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Des poutrelles de bois sont ajoutées à un barrage du lac Barrière, administré par la municipalité de Lac-Simon, pour contenir l’eau qui se déverse dans la rivière de la Petite Nation. 
 
Amélie Samoisette (à gauche) et Dominique Simard sont cofondatrices de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite Nation, qui mobilise plus de 100 résidants. Derrière elles se trouve la rivière asséchée au niveau de la municipalité de Saint-André-Avellin.
 
 



Guillaume Larocque, propriétaire d’une terre à Saint-André-Avellin
 
Le barrage du lac Barrière assure un niveau d’eau assez élevé pour permettre aux plaisanciers de traverser sous ce pont du chemin du Tour-du-Lac, qui traverse la jonction des deux bassins. 
 
Le pont du chemin de la Presqu’île est inspecté par le ministère des Transports du Québec, mais le barrage qui se trouve en dessous est géré par la municipalité de Lac-Simon.
 
 
Le barrage qui divise Lac-Simon
Dinah Jehhar
le 26 juin 2021

(Outaouais) La gestion d’un barrage hydraulique en Outaouais sème la discorde. D’un côté, des plaisanciers qui souhaitent conserver l’eau dans leur lac afin de continuer à circuler librement. De l’autre, des riverains qui craignent de ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins en raison de l’assèchement de leur rivière.

Dans la MRC de Papineau, en Outaouais, le cours d’eau qui découle des lacs Barrière et Simon est freiné par un barrage installé en 1972. Selon le site de la municipalité de Lac-Simon, l’infrastructure a pour objectif de maintenir le niveau d’eau du lac élevé pour assurer le libre passage des bateaux de plaisance sous le pont du chemin du Tour-du-Lac.

Situé à l’entrée du bassin versant de la rivière de la Petite Nation, ce barrage contrôle la crue des eaux pour les municipalités en aval. Nombre de riverains qui habitent le long de la rivière se plaignent depuis trois ans de la gestion de l’eau au nord. La rivière serait plus sèche que jamais. L’ajout de poutrelles qui retiennent l’eau, en plus de la sécheresse indéniable qui frappe le Québec, a déjà fait baisser les niveaux d’eau à ceux habituellement observés en août.

« Des riverains qui pompent leur eau quotidienne directement de la rivière n’ont plus de quoi laver leurs enfants et se faire des pâtes », affirme Dominique Simard, cofondatrice de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite Nation.

Le 28 mai dernier, Lac-Simon a ajouté une poutrelle au barrage. Cela a provoqué une baisse des eaux rapide à laquelle les habitants des municipalités en aval, comme Saint-André-Avellin, ne sont pas prêts, affirme Mme Simard en observant derrière elle le lit de la rivière asséché.

Pour la biologiste de formation, cette baisse du niveau de l’eau bouleverse non seulement le quotidien des riverains, mais également l’écosystème de la rivière et des cours d’eau des environs.

Deux poids, deux mesures

Guillaume Larocque et sa famille possèdent une terre dans la municipalité de Saint-André-Avellin depuis 1968. À partir de leur terrain de plus de 10 acres, ils peuvent accéder à une partie de la rivière composée de petits rapides qui se déversent dans un étang accueillant grenouilles et ouaouarons.

Sur place, l’étang presque entièrement asséché a perdu 16 pieds d’eau entre le 28 et le 30 mai derniers, dit Guillaume Larocque. « C’est vraiment troublant. Il n’est pas normal que je puisse marcher ici [dans un creux de l’étang] à ce temps-ci de l’année et que je trouve à peine une grenouille », affirme-t-il.

Dan Perrier, quant à lui, réside à Duhamel, au bord du lac Simon, depuis plus de 20 ans. Contrairement aux riverains qui manquent d’eau en aval, M. Perrier constate une importante augmentation des niveaux d’eau, qui érode son terrain petit à petit. « J’ai 4000 pi2 de terrain sous l’eau, j’ai trop d’eau », dit-il. Sa crainte : que l’accroissement de l’eau ronge sa baie et avale sa résidence, comme elle l’a fait avec son premier quai.

Répercussions environnementales

« Quand c’est sec en bas, c’est sec en haut aussi »

Le maire de Lac-Simon, Jean-Paul Descœurs, assure que la municipalité suit rigoureusement un plan de gestion de l’eau et du barrage. Établi par la firme d’ingénierie Cima+, ce plan détermine le niveau d’eau nécessaire dans les lacs Barrière et Simon afin d’y permettre la circulation des bateaux. Par conséquent, lorsque le niveau d’eau est trop bas, la firme détermine le nombre de poutrelles à ajouter au barrage pour rétablir le tout.

La famille de Lise Cyr réside à Lac-Simon depuis 1936. Celle qui a grandi dans la région remarque que la « berge n’est plus comme elle l’était il y a 25 ans » puisque le niveau d’eau a beaucoup augmenté, dit-elle. Pour Mme Cyr, qui ne possède pas de gros bateau à moteur, le barrage ne change pas grand-chose, mais pour les nombreux plaisanciers, le passage sous le pont où se rejoignent les deux lacs est beaucoup plus facile.

Selon le maire, le bas niveau de la rivière ne découlerait pas uniquement du barrage. M. Descœurs affirme que la sécheresse qui frappe le Québec cette année touche tout le monde. « Quand c’est sec en bas, c’est sec en haut aussi », dit-il.

M. Descœurs ajoute avoir demandé l’intervention du gouvernement provincial pour la gestion et la rénovation du barrage. Toutefois, selon Rosalie Faubert, conseillère en communication et responsable régionale du ministère des Transports du Québec en Outaouais, la gestion de l’infrastructure relève entièrement de la municipalité. « Le Ministère s’occupe uniquement de l’inspection du pont situé au-dessus du barrage », explique-t-elle.

Luc Desjardins, maire de Ripon, municipalité en aval touchée par la gestion du barrage, affirme que cette discorde traîne depuis trois ans. Il explique qu’une rencontre entre toutes les municipalités avoisinantes de la région avait été tenue en 2018 afin de convenir d’une solution unanime. L’une des propositions qu’a faites Lac-Simon était de rénover le barrage afin de le moderniser en sollicitant la contribution des municipalités avoisinantes. Or, pour M. Desjardins, les municipalités situées en aval « n’ont pas d’argent pour ça ». Et, ajoute-t-il : « Je ne pense pas qu’on a à payer pour ça. »

 

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