mercredi 24 août 2022

Claims miniers: Un moratoire demandé par la MRC de Papineau

NON à la mine La Loutre de Lomiko !  
 

Le préfet de la MRC de Papineau, Benoit Lauzon

Claims miniers: Un moratoire demandé par la MRC de Papineau
Yannick Boursier
le 24 août 2022 
L'Info Petite Nation 

Dans un nouveau mémoire adopté lors du conseil des maires, la MRC de Papineau exige un moratoire complet sur les nouveaux claims miniers jusqu’à ce que la question des territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM) soit résolue.

C’est le troisième mémoire que la MRC dépose à Québec dans ce dossier, mais pour la première fois, elle demande un moratoire complet sur l’octroi de nouveaux claims non seulement pour la MRC de Papineau, mais pour toutes les régions ayant de la villégiature.

«On demande un moratoire dans toutes les régions touristiques et de villégiature du Québec, indique le préfet, Benoit Lauzon. Je pense qu’ils en ont assez donné. Qu’ils prennent le temps de s’asseoir avec nous, qu’on adopte nos territoires incompatibles et après ça, ils travailleront.»

Le préfet souligne que l’aménagement du territoire est de compétence municipale. «On a la responsabilité sur l’aménagement du territoire. Mais on ne nous consulte pas. Les mines sont au-dessus de tout. Le gouvernement travaille avec eux et lets go entrer sur un territoire et faites ce que vous voulez. C’est nous, ça ne fonctionne pas.»

Mesures

Outre la demande de moratoire, la MRC revient avec ses demandes pour permettre la protection des terres agricoles et des lacs. Pour les terres agricoles, les règlements préservent seulement les terres agricoles dynamiques, ce qui permettrait des projets de mines sur d’autres terres zonées agricoles sans que les municipalités puissent l’empêcher.

En ce qui concerne les lacs, la MRC de Papineau souhaite une protection entière et surtout plus grande des lacs. Présentement, il peut y avoir une bande de protection de 600 mètres autour d’une concentration de villégiature alors que la même bande de protection peut être de 1000 mètres autour d’un périmètre d’urbanisation dans une municipalité.

Les secteurs de villégiatures sont donc moins bien protégés et plus à risques des nuisances, notamment des nuisances sonores et visuelles selon la MRC.

Dans ce nouveau mémoire, la MRC de Papineau fait aussi une demande pour que tous les projets miniers, quelle que soit la grosseur, soient assujettis à une évaluation et des consultations du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). «Exiger une évaluation et des consultations du BAPE pour tous les projets miniers serait une bonne façon de favoriser l’acceptabilité sociale», indique la MRC dans son mémoire.

Économie versus environnement

Lors des sorties des citoyens ou de la MRC en lien avec l’exploitation minière, d’autres citoyens soulignent aussi l’impact économique et environnemental que l’extraction du carbone peut avoir pour le secteur. On sait que ce minerai sert pour les batteries électriques, entre autres, et c’est pourquoi il est recherché en ce moment.

Questionné à ce sujet, Benoit Lauzon réitère que la MRC de Papineau est prête à accueillir des mines. «On en veut des mines, mais à la bonne place.» Selon lui, en allant de l’avant avec les demandes de la MRC, il reste encore beaucoup d’endroits où il pourra y avoir de l’exploitation minière.

Il indique aussi qu’il faut bien analyser les dossiers et voir tous les impacts à court, moyen et long terme. «Quand ça va faire 10 ans et qu’il va avoir des trous partout, du minerai et des montagnes partout, plus un arbre en forêt parce que tout va être détruit, est-ce qu’on va être content de voir qu’on a eu un peu d’argent dans notre compte de banque?»




Développement minier: La MRC de Papineau demande un moratoire
Ani-Rose Deschatelets
le 18 août 2022 

Visée par plusieurs titres miniers et ciblée pour son potentiel d’exploitation du graphite, la MRC de Papineau demande à ce que les activités minières soient mieux encadrées dans ses municipalités, en raison de l'incompatibilité du secteur minier dans certaines parties du territoire.

C’est ce qu'ont étalé les maires des municipalités de la MRC dans un mémoire d’une quinzaine de pages adressé au gouvernement du Québec. Une autre lettre à cet effet avait d’ailleurs déjà été envoyée au premier ministre François Legault, le 15 juillet dernier.

«Nous, ce qu'on dit au gouvernement du Québec, c'est que ça prend un moratoire pour l'instant. On a assez donné de claims, des claims, il y en a partout», a martelé le préfet de la MRC de Papineau, Benoit Lauzon, qui affirme ne pas être contre le développement minier, mais souhaite plutôt que tout soit fait correctement. «On le sait, avec l'électrification des transports et avec le graphite qu'on a sur notre territoire, c'est certain qu'on va en avoir des mines. Pourquoi ne pas l'encadrer et la mettre à la bonne place pour qu'elle ait une acceptabilité sociale? Ce qui est le plus important et c'est ce qu'on n'a pas présentement.»

Une coalition d’organismes locaux et nationaux a rendu publique jeudi une nouvelle carte qui met en lumière le boom de claims miniers dans le sud du Québec depuis 18 mois. Un claim est un droit d’exploration, a expliqué le président de l'Association des propriétaires du lac Gagnon et porte-parole du Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation, Louis Saint-Hilaire. «Ça bloque le développement parce qu’un claim a priorité sur tout, a-t-il lancé. Et il n'y a à peu près pas de protection pour les milieux naturels. [...] Ça ne veut pas dire que c'est une mine. [...] Les gens qui réservent des endroits-là pensent qu'il y a le potentiel de mines et ils veulent faire de l'exploration et peut-être éventuellement développer un gisement.»

Le préfet de la MRC de Papineau, Benoit Lauzon

Avec une hausse du nombre de claims de 211% en 18 mois, l’Outaouais se classe au deuxième derrière Lanaudière, qui ont enregistré une hausse des titres miniers de 408%, mais devant les Laurentides et la Mauricie, où les claims ont bondi de 71,2% et 49,1%, respectivement. Dans le sud du Québec, on parle de mines pour exploiter le graphite, explique M. St-Hilaire, une composante importante des batteries pour véhicules électriques. «Ce qui est en train de se produire, c'est que le sud du Québec est en train d'être bloqué. On parle beaucoup de zones protégées par le gouvernement. S'il y a un claim qui est déjà là, il a priorité. [...] Il faut arrêter de “claimer” comme ça à la vitesse de 200 % dans l'Outaouais en 18 mois. Parce que dans un autre 18 mois, on a de bonnes chances d'avoir un autre de 200%. [...] L'idée, ce n’est pas de ville, on ne veut pas de mines, c'est on veut pas des même n'importe où et renégocier les règles pour tenir compte des citoyens et de la protection de la nature.»




Revendications

Parmi les revendications et modifications législatives demandées par les maires de la MRC de Papineau dans le mémoire, notons la protection de l'ensemble des territoires agricoles, l’étendue du périmètre d’implantation d’une mine en territoire de villégiature de 600 à 1000 mètres, ainsi que l’obligation de tenir un BAPE, un bureau d'audiences publiques, à tous les projets de mine dans le sud-ouest du Québec. «On n'est pas une région minière. Nos citoyens ne connaissent pas ce genre d'industries là. [...] Présentement, s'il y a un BAPE ou pas [c'est déterminé] avec la quantité de minerais qui pourraient être extraits. Les [entreprises minières], quand elles déposent des projets, elles se tiennent juste en dessous de la barre, pour s'assurer qu'il n'est pas de BAPE, pouvoir aller plus rapidement et passer outre plein de mesures, lance-t-il. On se fait marcher sur les pieds, certains! Le ministre a beau dire qu'il y a plein de claims qui sont demandés au Québec, mais qu'il n'y a qu'un petit pourcentage de mines qui voit le jour, mais une [mine] à la mauvaise place, c'est une de trop qui vient détruire notre territoire.»  La MRC de Papineau déplore également la préséance de la Loi sur les mines sur les règlements municipaux d’urbanisme et la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, peut-on lire dans un communiqué. 

La MRC de Papineau souligne l’appui qu’elle reçoit des MRC limitrophes de régionales et souhaite que cet appui perdure, alors que les maires ne se sentent pas écoutés par Québec, peste M. Lauzon. On veut continuer à rester debout pour défendre les intérêts d'une population qui est extrêmement inquiète ici. Ça fait un an que le ministre a pris un engagement de venir nous voir ou seulement de nous appeler. Et il ne nous a pas encore appelés. [...] Aujourd'hui, on interpelle le premier ministre, car on dit que c'est trop important. Je ne veux pas qu'on sacrifie une région comme la MRC de Papineau ou il y a seulement 25 000 de population pour créer des emplois qui vont détruire une région. Je ne veux pas être le petit coin du Québec qui va être sacrifié pour pouvoir faire de l'électrification des transports. Il n'en est pas question.»

mercredi 17 août 2022

Des citoyens ne veulent pas que le sud du Québec se transforme «en mine à ciel ouvert»

NON à la mine La Loutre de Lomiko !  

Voici la nouvelle carte des claims réalisée par le Regroupement de Protection des Lacs de la Petite-Nation. On assiste à une véritable explosion des claims. 202% en Outaouais depuis 18 mois, 404% dans Lanaudière et 79% dans les Laurentides. Le Mont- Tremblant qui est réputé pour ses montagnes le sera bientôt pour ses trous.

Le Regroupement ainsi qu'une grande coalition d'organismes demandent un moratoire immédiat sur tout nouveau claim dans les zones de tourisme et de villégiature, le temps que soient révisés les règles des Territoires incompatibles à l'activité minière.




Des citoyens ne veulent pas que le sud du Québec se transforme «en mine à ciel ouvert»
Mathieu-Robert Sauvé
17 août 2022

Une coalition d’organismes et de citoyens inquiets presse Québec de stopper immédiatement l’octroi de permis d’exploration de gisements de graphite et de lithium dans le sud du Québec, qui a explosé dans les 18 derniers mois.​ 

«Il y a actuellement un véritable boom minier qui pourrait transformer le sud du Québec en mines à ciel ouvert, la région de Mont-Tremblant en particulier», lance Louis St-Hilaire, porte-parole du Regroupement de Protection des Lacs de la Petite-Nation. Il fait partie de la coalition d’une dizaine d’organismes qui demande, dans une lettre envoyée jeudi au gouvernement, un moratoire sur ces octrois qu’ils jugent «chaotiques, sans planification et sans consultation citoyenne».

Depuis 2016, année d’une réforme de la réglementation sur les droits miniers, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) a octroyé 15 000 «titres miniers d’exploration», ou claims, dont 8400 dans les 18 derniers mois seulement (voir carte).

Le titulaire d’un claim a «le droit exclusif de chercher, pour une période de deux ans, sur le terrain qui en fait l’objet, toutes les substances minérales qui font partie du domaine de l’État» à quelques exceptions près, peut-on lire sur le site du MERN. Les gisements de graphite et de lithium sont prisés pour la fabrication de batteries pour autos électriques, mais d’autres métaux intéressent aussi les investisseurs (cobalt, titane, niobium).

Tous les claims ne deviendront pas des mines, mais des opérations d’exploration peuvent voir le jour à n’importe quel moment. Plusieurs sont déjà en activité.

Moratoire

«Nous ne sommes pas opposés au développement minier, mais souhaitons plus de consultations avec la population. C’est pourquoi nous exigeons un moratoire sur l’octroi de droits miniers», explique Ugo Lapointe, fondateur de l’organisme Pour que le Québec ait meilleure MINE.

Il déplore que le gouvernement permette à l’industrie d’explorer le sous-sol à deux pas de parcs nationaux comme celui du Mont-Tremblant. Des projets de prospection sont même autorisés dans la réserve faunique de La Vérendrye, où les amoureux du canot-camping convergent.

Marché en expansion

Il fait aussi valoir que le marché mondial est en pleine expansion et que le Québec possède d’impressionnants gisements sous terre. En raison de la facilité avec laquelle on peut obtenir un droit de prospection – une opération qui se fait en ligne et qui coûte quelques dizaines de dollars – des milliers d’autorisations ont été obtenues. 

«Ces droits sont octroyés sans consultation avec la population concernée», reprend M. St-Hilaire qui reproche au gouvernement du Québec d’avoir maintenu beaucoup d’imprécisions quant à ses objectifs. 

«L’industrie minière, c’est le gros projet industriel de la Coalition Avenir Québec. L’équivalent de la Baie-James de Robert Bourassa. Mais la population est tenue à l’écart», déplore-t-il.

Vendre maintenant?

«Des citoyens entendent le bruit des foreuses et camions tout près de leur propriété et se demandent s’ils doivent vendre avant que sa valeur chute», explique au Journal David Pharand, le maire de Duhamel, dans l’Outaouais. 

Lorsqu’ils s’adressent au MERN, ils reçoivent des réponses qui ne les convainquent pas. «Le gouvernement nous dit qu’à peine 1% des claims deviennent des mines et que les projets n’iront pas de l’avant sans acceptabilité sociale. Or, je peux vous dire qu’ici il n’y a aucune acceptabilité sociale!»

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Le boom d’exploration minière dans le Sud-Ouest québécois inquiète les municipalités
Jean-Sébastien Cloutier
18 août 2022

L’électrification des transports passe par l’accès au graphite et au lithium dont le sud-ouest du Québec regorge. Mais ses habitants appréhendent l'apparition de mines et demandent un moratoire alors que l’exploration minière bat son plein dans la région.

Les claims miniers explosent dans Lanaudière, en Outaouais et dans les Laurentides alors que les prospecteurs affluent dans la région. La demande mondiale croissante pour les minéraux stratégiques y est pour beaucoup, mais aussi la volonté de Québec de les mettre en valeur.

Depuis 18 mois, le nombre de claims miniers – soit ces titres d'exploration qu’une entreprise achète pour sonder une portion de territoire – a plus que doublé. Le sud-ouest du Québec en compte aujourd'hui 15 413, dont 56 % ont été acquis depuis janvier 2021, selon la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine. Une augmentation 4,9 fois plus rapide qu'ailleurs en province.

Je m'attendais peut-être à une augmentation quelconque, mais pas de cette ampleur-là. [...] Ce sont des milieux récréotouristiques avec des milieux naturels sensibles, et ça nous préoccupe beaucoup, dit son co-porte-parole Ugo Lapointe.

C'est quelque chose de préoccupant pour chacun des citoyens et [ils] ne sont pas au courant de ça. Ils n’ont aucune information qu’il peut y avoir derrière chez eux quelques kilomètres de claims, ajoute Louis Saint-Hilaire, qui milite pour le Regroupement de protection des lacs de la Petite Nation, l'organisme qui a réalisé les nouvelles cartes en épluchant les données gouvernementales.

« On est en train d'entrer dans les minéraux d'avenir, mais avec des lois qui datent de 150 ans! »

— Une citation de  Louis Saint-Hilaire, du Regroupement de protection des lacs de la Petite Nation

Une mine de graphite non loin du parc du Mont-Tremblant

Les cartes élaborées par l’organisme permettent notamment de constater qu’un immense secteur, à la frontière Est du parc national du Mont-Tremblant, est désormais entièrement recouvert de claims. 

C'est d’ailleurs dans cette zone, à Saint-Michel-des-Saints, que se trouve le projet minier le plus avancé : la future mine de graphite de l'entreprise Nouveau Monde Graphite.

Le projet a le feu vert de Québec et la fosse minière a commencé à être creusée.

Le graphite est un composant essentiel dans la fabrication des batteries électriques de véhicules, et l'entreprise a bon espoir de trouver un client majeur pour démarrer ses opérations en 2025.

C'est la fierté du Québec de dire : on a des ressources, puis on les développe de manière responsable, fait valoir Julie Paquet, vice-présidente aux communications de Nouveau Monde Graphite.

Je comprends qu'à certains égards il y a une approche du "pas dans ma cour". Dans notre cas, on a été capables de contrôler tous les impacts à l'intérieur d'un kilomètre du site minier, assure-t-elle.

Le projet de l'entreprise avait commencé par un claim minier. A priori, ce n'est pas extrêmement envahissant. Initialement, c'est un géologue avec sa pelle qui se présente sur le site et qui s'en va vérifier ce que ça a l'air. De fil en aiguille, si les tests sont concluants, on fait une tranchée, on va un peu plus loin, on fait un peu de forage...

Des municipalités inquiètes

Nouveau Monde Graphite, dont le projet se réalise sur des terres publiques, n'a exproprié personne. Sauf que l'entreprise a dû s'entendre avec des propriétaires voisins pour leur acheter 25 terrains et 9 maisons.

Mais rien n’indique qu’il n’y aura pas d’expropriations dans d’autres cas. Au Québec, le sous-sol n'appartient pas aux propriétaires des terrains et le processus d'un claim peut aboutir à des expropriations lorsqu'un projet a le feu vert des autorités. De plus en plus de municipalités s'en inquiètent.

La loi sur les mines est au-dessus de toutes les autres lois! Le sous-sol ne fait pas partie de nos pouvoirs d'aménagement du territoire. Ce que ça veut dire, c'est qu'on n'a pas de contrôle, on n'a pas d'informations, déplore Isabelle Perreault, mairesse de Saint-Alphonse-de-Rodriguez et préfète de la MRC de la Matawini.

« Dans le fond, on n'est pas contre l'activité minière, mais le problème est qu'il faudrait qu'elle se fasse en dehors des zones de villégiature, et protéger les lacs. »

— Une citation de  Marc L’Heureux, maire de la municipalité de Brébeuf et préfet de la MRC des Laurentides
Plusieurs MRC, comme celle des Laurentides, sont en discussion depuis plus d'un an avec Québec pour soustraire certains secteurs de leur territoire d'une éventuelle activité minière, notamment les pourtours des lacs. Mais ils ne s'entendent pas encore.

Ils ont des orientations qui sont différentes, dit Marc L'Heureux. On a présenté des exclusions, mais c'est trop grand, ce qu'on a demandé.

Québec et l'industrie se veulent rassurants

Au cabinet du ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles Jonatan Julien, on répond que l'existence d'un projet d'exploration est loin de signifier l'ouverture d'une mine. C'est très rare que des projets franchiront l'ensemble des étapes, puisque le Québec dispose d'un cadre légal rigoureux bâti sur les principes de développement durable, écrit l'attachée de presse du ministre, Emmanuelle Ducharme.

Selon la directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec, Valérie Fillion, il faut effectivement relativiser l'impact de la présence des nombreux claims dans le sud-ouest du Québec.

« Dans cette région-là, il n'y a pas d'espace pour faire d'expansion tant que ça parce qu'il y a tellement d'interdictions partout autour que c'est vraiment un enjeu. »

— Une citation de  Valerie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec.

Un moratoire demandé

N'empêche qu'à quelques semaines des élections québécoises, de nombreux élus municipaux, militants et résidents espèrent que cet enjeu sera discuté en campagne.

Une vingtaine de municipalités de l'Outaouais ont même dressé de grandes pancartes sur leur territoire pour afficher clairement qu'elles ne souhaitent pas accueillir de mines. Aussi, des maires se rencontrent mercredi pour demander un moratoire sur les claims.

Ce serait pertinent de mettre un moratoire maintenant, de prendre le temps de regarder la situation, de changer les balises pour s'assurer que les milieux touristiques soient protégés, dit Ugo Lapointe de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine.

Si on attend, on ne va pas voir qu'est-ce qu'il y a en dessous de nos pieds au Québec, ça va finir qu'on va importer la substance première, répond Valérie Fillion. 

En pleine course économique mondiale pour électrifier les transports, le Québec a donc un dilemme à résoudre.



Parc régional du Réservoir-Kiamika: Une mine dans un parc ?
L
é
a Carrier
18 août 2022
La Presse

Un exploitant minier convoite un gisement de graphite situé en partie dans un parc régional des Laurentides à vocation de conservation et prisé des adeptes de plein air. Des citoyens et des élus s’inquiètent de voir son territoire défiguré par une mine, qui mettrait aussi en péril un projet récréotouristique de 2,5 millions.

« Ce n’est pas à côté du parc : c’est dans le parc », fustige Marie-Claude Provost, directrice du parc régional du Réservoir-Kiamika, situé près de Mont-Laurier. 

Elle fait référence au projet Mousseau Ouest : une mine de graphite potentielle d’une superficie de 489 hectares, accessible à partir de la route 117 sur 12 km de chemins forestiers. 

L’entreprise ontarienne Northern Graphite veut acheter un lot de claims miniers dans l’intention d’exploiter le précieux minerai.

Un claim est un titre minier qui donne à son propriétaire le droit exclusif de chercher des substances minérales sur le terrain d’un domaine de l’État. 

Le graphite – essentiel à l’électrification des transports – est au cœur du développement d’une filière batterie au Québec, comme l’ambitionne le gouvernement de François Legault. 

« Mousseau Ouest a le potentiel de devenir un projet significatif », a réagi Hugues Jacquemin, PDG de Northern Graphite, dans un communiqué publié le 8 août dernier. 

Nous nous attendons à ce que le gisement joue un rôle important à mesure que l’entreprise consolide sa position de seul producteur significatif de graphite en Amérique du Nord.

Hugues Jacquemin, PDG de Northern Graphite, dans un communiqué

Aucune vente n’a encore été conclue avec Imerys Group, l’actuel propriétaire des claims miniers, mais le projet inquiète élus et citoyens.

C’est qu’une large portion du site est située sur le territoire du parc régional du Réservoir-Kiamika, qui abrite une réserve de biodiversité de 46 km2 et une dizaine de lacs.

« Le paysage va complètement changer. Ce n’est pas du tout, du tout compatible », s’insurge Marie-Claude Provost. 

Un projet déjà financé

Qui plus est, Québec a octroyé au parc, en juin, plus de 1 million de dollars qui serviront à la construction d’un centre éducatif et écotouristique. 

Le projet, financé à hauteur totale de 2,5 millions, prévoit l’ajout de 4 camps rustiques, 5 prêts-à-camper, 17 sites pour roulottes et 10 sites de camping rustique. 

Or, la possible exploitation de graphite menace l’avenir du projet, craint la Ville de Rivière-Rouge, qui a investi 150 000 $ dans sa réalisation. 

« C’est certain qu’on s’oppose au projet minier », répond Denis Lacasse, maire de Rivière-Rouge, en entrevue avec La Presse. 

Imagine : t’as un projet touristique, le gouvernement investit au-dessus d’un million et là, il pourrait y avoir l’achat de claims miniers.

Denis Lacasse, maire de Rivière-Rouge

Dans une résolution adoptée à l’unanimité le 9 août, la Ville interpelle le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles afin qu’il protège le parc régional du Réservoir-Kiamika « de l’exploration et de l’exploitation minière de toute substance minérale ». 

Joint par La Presse à de nombreuses reprises, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles n’a pas répondu à nos questions.

La députée caquiste de la circonscription de Labelle, Chantale Jeannotte, indique « suivre le dossier avec intérêt ». Pour elle, « l’acceptabilité sociale est primordiale », écrit l’élue.

« Cela dit, l’existence d’un projet d’exploration ne signifie pas nécessairement l’ouverture d’une mine », rappelle-t-elle.

« C’est plutôt rare que des projets franchissent l’ensemble des étapes en raison du cadre légal rigoureux du Québec, justement bâti sur les principes de développement durable », souligne Mme Jeannotte. 

« Très loin d’une mine en opération » 

« On est très loin d’avoir une mine en opération », assure Philippe Gervais, directeur principal de la firme de relations publiques Navigator, qui représente Northern Graphite. 

Si une vente est bel et bien conclue, l’entreprise aurait le droit exclusif de chercher des substances minérales sur le territoire pour une période de deux ans. Dans ce cas-ci, des forages d’exploration ont déjà révélé un potentiel d’exploitation de graphite. 

Pour ensuite aller de l’avant et construire une mine, Northern Graphite devrait se plier à toutes les exigences imposées par Québec, rappelle M. Gervais.

« Il faut faire des études environnementales, des consultations. On va faire tout ce qu’il faut », affirme M. Gervais. 

Mais ça ne suffit pas à rassurer les citoyens. 

« On refuse que le paysage soit dévasté », tonne Raymond Carrier, président de l’Association des propriétaires du réservoir Kiamika. 

Selon une carte du projet consultée par La Presse, moins de cinq kilomètres séparent une zone habitée du potentiel site minier. 

On pense qu’il y aura un bon nombre de nuisances, dont la poussière et le bruit. Et sur le lac, on sait que le son se propage très facilement.

Raymond Carrier, président de l’Association des propriétaires du réservoir Kiamika

De plus, les citoyens sont préoccupés par les impacts inconnus de l’exploitation minière sur la faune et la flore du parc régional du Réservoir-Kiamika. 

« On s’inquiète des effets sur les cours d’eau et les petits lacs. Sans compter que les camions vont emprunter des sentiers forestiers », souligne Raymond Carrier. 

Selon Philippe Gervais, il est encore trop tôt pour discuter d’éléments précis comme le trajet des camions, mais il assure que toutes les parties seront consultées. 

« Si on va de l’avant, il va y avoir des consultations pour voir comment on peut tous vivre ensemble », souligne-t-il. 

L’inquiétude grimpe ailleurs au Québec

C’est loin d’être le premier projet de mine qui suscite l’inquiétude dans les dernières années au Québec. 

Début août, 21 municipalités de l’Outaouais ont lancé une offensive contre l’exploitation minière dans leur région, dont elles craignent les impacts sur les lacs et la qualité de vie des résidants. 

À Saint-Michel-des-Saints, dans Lanaudière, la mine à ciel ouvert de la société Nouveau Monde Graphite, dont la construction a été lancée à l’été 2021, continue de diviser la communauté. C’est que le projet avait obtenu le feu vert de Québec, même si certaines études environnementales n’avaient pas encore été complétées.

Un autre projet de mine de graphite, La Loutre, situé entre Duhamel et Lac-des-Plages, dans les Laurentides, est à l’étape des forages d’exploration. 

« On le voit partout, on en entend partout. On regarde ce qui se fait ailleurs, et on ne veut pas ça chez nous », déplore Marie-Claude Provost. 

« Je sais qu’on a besoin de graphite pour les batteries, mais il y a des endroits où l’acceptabilité sociale est présente. Mais dans les Laurentides ? Dans un parc ? », lance-t-elle.

Une coalition d’organismes demande un « moratoire »

Une coalition d’une dizaine d’organismes et une MRC pressent Québec d’instaurer un moratoire sur le « boom sans précédent » de claims miniers dans les zones de villégiature et de tourisme.

Le sud du Québec est frappé par une « vague de claims miniers », déplorent une dizaine d’organismes, appuyés par la MRC de Papineau, dans une missive adressée au gouvernement. 

« À ce rythme, on sera bientôt devant un fait accompli. Le Québec va devenir l’Alberta des minéraux », tonne Louis St-Hilaire, porte-parole du Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation, qui mène la charge. 

De janvier 2021 à août 2022, la coalition a épluché – et cartographié – les données du GESTIM, le registre public des droits miniers du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles.

Et ce qu’elle a trouvé « est bien pire que ce qu’on imaginait », souligne M. St-Hilaire. 

Dans Lanaudière, où on observe la plus forte hausse, les titres miniers ont augmenté de 408 % depuis 2021. Suivent l’Outaouais (211 %), les Laurentides (71,2 %) et la Mauricie (49 %). 

Au total, l’augmentation moyenne est de 129 %, près de 5 fois plus que ce qui est observé à l’échelle du Québec au cours de la même période. 

Le boom coïncide avec le virage électrique de Québec, qui mise sur l’exploitation de « minéraux d’avenir », dont le graphite, remarque la coalition. 

Parcs et réserves fauniques

Ce qui l’inquiète davantage, toutefois, c’est la hausse des titres miniers autour des parcs et dans les réserves fauniques. 

Des centaines de claims sont collés sur des parcs nationaux et régionaux d’envergure, dont le parc national du Mont-Tremblant, alors que d’autres se retrouvent directement à l’intérieur de réserves fauniques d’importance comme la réserve de Papineau-Labelle, observe-t-on sur la carte produite par la coalition. 

Évidemment, tous les titres miniers n’aboutissent pas à une mine, rappelle Louis St-Hilaire. « Mais c’est la première étape », précise-t-il. 

Ainsi, les organismes réclament un moratoire sur la vente de nouveaux claims dans les zones de villégiature et de tourisme, et ce, tant que la Loi sur les mines et les règles d’application des « territoires incompatibles avec l’activité minière » (TIAM) n’auront pas été modifiées afin de mieux protéger ces secteurs et les milieux naturels qu’ils abritent. 

« Il faut remettre la santé et l’environnement au cœur des lois et des politiques minières actuelles », plaide Ugo Lapointe, porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine. 

« Nos citoyens sont très attachés à notre territoire, parsemé de lacs et cours d’eau exceptionnels. Nous entendons très clairement leur message et nous le partageons », affirme aussi Benoit Lauzon, préfet de la MRC de Papineau.