Lomiko Metals, qui fait de l’exploration depuis trois ans sur 42 claims miniers qui s’étendent sur 25 kilomètres carrés, entre Duhamel et Lac-des-Plages, à proximité de plusieurs plans d’eau, a annoncé à la fin juillet, par voie de communiqué, que son projet La Loutre démontrait «le potentiel pour la Société de devenir un producteur majeur de graphite en Amérique du Nord», dans la foulée de la stratégie d’électrification des transports déployée par le gouvernement Legault. Le graphite et lithium sont deux matériaux qui seront convoités pour la fabrication de batteries.
Le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation (RPLPN), qui s’oppose depuis toujours à ce projet, soutient que la mobilisation n’a jamais été aussi forte depuis la parution de ce rapport.
Elles étaient huit associations de riverains et 10 municipalités à soutenir le RPLNP pour s’opposer au déploiement d’une mine à ciel ouvert située à proximité des lacs Bélanger, Doré, Petit Vert et Tallulah, pour ne nommer que ceux-là.
Le porte-parole du RPLPN, Louis St-Hilaire, qui fait de ce chantier son cheval de bataille depuis déjà deux ans, affirme qu’une association et six nouvelles municipalités ont depuis adopté la résolution d’appui du regroupement qui demande que «les activités minières soient interdites dans les zones désignées par la MRC de Papineau comme étant réservées à la villégiature, au récréotourisme, à l’écotourisme et à la foresterie».
Au total, 16 conseils municipaux (Duhamel, Papineauville, Montebello, Saint-André-Avellin, Notre-Dame-de-Bonsecours, Plaisance, Ripon, Chénéville, Montpellier, Lac-Simon, Val-des-Bois, Bowman, Mulgrave-et-Derry, Mayo, Saint-Sixte et Notre-Dame-de-la-Salette) donnent maintenant leur appui au regroupement.
Plus de 1000 riverains, à travers neuf associations de lacs, ont aussi entériné la résolution, de même que des organismes comme le Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais, notamment.
«Ce rapport économique de la minière, c’est du concret. Ce n’est plus juste un concept avec des possibilités. Il y a un plan avec des fosses, des montagnes de résidus et des bassins de décantation de l’usine», lance M. St-Hilaire, en entrevue au Droit.
Pas d’acceptabilité sociale?
Conscient
que Lomiko Metals doit encore franchir plusieurs étapes avant d’arriver
à l’étape ultime de l’exploitation du site, M. St-Hilaire martèle que
l’acceptabilité sociale n’est pas gagnée avec ce projet même si Lomiko
Metals a confirmé dans la dernière semaine avoir embauché une firme
experte pour la réalisation d’une étude de base environnementale.
«Ce n’est pas parce qu’ils embauchent une firme environnementale que nous allons être pour le projet. C’est sûr que ça va prendre un Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) si on se rend plus loin dans le processus. Tous les citoyens doivent pouvoir être entendus. À la fin, ils vont devoir avoir l’acceptabilité sociale. S’il y a 80% de la population qui ne veut pas de la mine, les politiciens vont avoir de la difficulté à donner le feu vert à l’entreprise», plaide M. St-Hilaire.
Le maire de Lac-des-Plages, Louis Venne, dit que sa municipalité va collaborer avec l’entreprise «pour faire partie de la discussion». Des rencontres entre les dirigeants de l’entreprise et les élus étaient d’ailleurs à l’agenda dans les derniers jours.
«C’est devenu le sujet numéro un ici. Ça inquiète beaucoup ma population avec les risques de pollution et le bruit. C’est sûr que la décision de délivrer ou non les permis va se prendre à Québec», indique le maire Venne.
Des TIAM dans les zones de villégiature
De
son côté, le préfet de la MRC de Papineau, Benoît Lauzon, rappelle que
sa Municipalité régionale de comté a demandé au ministre de l’Énergie et
des Ressources naturelles du Québec, Jonatan Julien, une dérogation au
règlement des Territoires incompatibles à l’activité minière (TIAM) afin
de permettre une protection des zones de villégiature dans la région.
Actuellement, près de 59% du territoire de la MRC de Papineau est protégé en vertu des TIAM, mais les zones à l’abri se trouvent principalement dans les périmètres urbains et dans les zones agricoles. La MRC a demandé à Québec qu’une portion supplémentaire de 11% du territoire situé en zone de villégiature, près des plans d’eau, soit intégrée aux TIAM. Les discussions entre la MRC et le bureau du ministre se poursuivent à ce sujet, assure M. Lauzon.
«Nous ne sommes pas contre les mines, mais chaque chose doit être faite à la bonne place, lance l’élu. Ce qu’on veut, c’est être capable d’adopter notre réglementation concernant les TIAM le plus rapidement possible parce qu’une fois qu’une compagnie achète un claim, ça devient un droit acquis. On veut avoir comme MRC les outils pour y arriver. Si on parle du projet qui chemine actuellement, on parle d’une opération minière de 15 ans. Après ces 15 ans, quels seront les impacts environnementaux et les dommages pour la MRC de Papineau? Notre inquiétude se trouve là.»
M. Lauzon est d’avis que la MRC de Papineau n’est pas une région prédisposée destinée à de l’exploitation minière.
«Notre région se développe autour du tourisme. On tente de rendre le vélo le plus accessible possible sur tout le territoire. On ne peut pas mêler vélos et camions lourds sur les mêmes routes», dit-il.
Lomiko Metals se veut rassurante
La
responsable du développement durable et des communications du côté de
Lomiko Metals, Siri Genik, dit comprendre l’inquiétude de la population à
l’égard du projet La Loutre, mais rappelle qu’il reste plusieurs étapes
avant que les premières extractions soient effectuées.
«Nous sommes à trois ou quatre ans minimum de mettre une pelle dans la terre. [...] Malheureusement, l’industrie minière n’est jamais concluante tôt dans le processus, mais jusqu’à maintenant, ce qu’on a trouvé est très positif», a-t-elle affirmé au Droit au sujet de l’évaluation économique préliminaire parue à la fin juillet.
Mme Genik mentionne que la population sera invitée à une séance d’information bilingue sur le projet cet automne.
«Le bon côté, c’est que c’est une activité qui va apporter un souffle économique à la région. C’est quand même une région où la population diminue de plus en plus parce que les jeunes cherchent du travail ailleurs. Ça ne veut pas dire que nous allons engager 30 000 personnes, mais on va retenir des gens et retenir des sous-traitants locaux», a-t-elle ajouté, précisant que l’entreprise travaillait pour obtenir sa certification Ecologo.