Non au Projet de Mine à Ciel Ouvert La Loutre
Mobilisation contre les mines en zone de villégiature
Mobilisation contre les mines en zone de villégiature
Roxane Léouzon
6 décembre 2021
Vingt-cinq municipalités, soit la totalité des membres de la MRC de Papineau, en Outaouais, réclament le pouvoir de protéger leur territoire
contre le développement minier.
Des municipalités comme Montebello, Lac-Simon et Saint-André-Avellin
donnent ainsi leur appui à une résolution du Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation, qui demande à Québec « que les activités
minières soient interdites dans les zones désignées par la MRC Papineau
comme étant réservées à la villégiature, au récréotourisme, à
l’écotourisme et à la foresterie ». Plusieurs organismes, comme le
Conseil régional de l’environnement et du développement durable de
l’Outaouais, joignent leur voix au mouvement.
La région suscite l’intérêt des compagnies d’exploration minière en raison de la présence de graphite, un minerai essentiel à la production de batteries destinées à l’électrification des transports.
Le projet de mine à ciel ouvert La Loutre, de l’entreprise Lomiko se
trouve notamment à proximité des municipalités de Duhamel et de
Lac-des-Plages, qui font partie du front commun. La future mine se
trouve au cœur d’un réseau de lacs et de cours d’eau où se trouvent de
nombreux chalets, notamment à moins de six kilomètres du lac Simon.
« Le lac Simon, il y a plus de 1000 familles qui sont là. Ils veulent
implanter ça dans des milieux vierges, des milieux humides, de la
montagne. Ça va devenir un parc industriel de grande dimension, avec du
bruit de transport, du dynamitage, de la poussière », déplore Louis
St-Hilaire, porte-parole du Regroupement, qui s’inquiète aussi des
risques de contamination de l’eau.
À moins que les évaluations environnementales à venir ne défavorisent
le projet, il est trop tard pour empêcher l’avènement de la mine de
Lomiko, qui a un droit acquis sur ce territoire, affirme le préfet de la
MRC de Papineau, Benoit Lauzon. « On veut éviter qu’il y en ait
d’autres, a-t-il toutefois indiqué. On sait qu’il va y en avoir
beaucoup. »
En Outaouais et dans les régions voisines des Laurentides, cinq
projets de mines de graphite sont en développement. Le nombre de titres
actifs d’exploration minière liée au graphite a plus que doublé dans les
Laurentides et dans Lanaudière entre 2015 et 2020. Le Regroupement
qualifie ainsi la zone de « pays de l’or vert », en référence aux
prétentions environnementales de cette extraction.
Pour le préfet de la MRC de Papineau, l’opinion publique est unanime
parmi les citoyens et les élus. L’appui officiel de toutes les
municipalités de la MRC témoigne, selon lui, de l’importance du dossier.
Il affirme que les milieux d’affaires sont aussi de leur côté.
Des changements demandés
Ils ne sont pas contre les mines, mais veulent protéger 11 % de leur
territoire, essentiellement autour des lacs et des rivières, en plus des
milieux urbains et villageois. Dans un processus de définition des
territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM) sur son
territoire, la MRC de Papineau a présenté ses demandes au ministère des
Affaires municipales et de l’Habitation.
« Ça a été refusé par le ministère, car le territoire qu’on a défini
ne répond pas aux critères gouvernementaux, donc on nous a dit d’ajuster
nos demandes en lien avec ça, rapporte Benoit Lauzon. Le milieu
municipal, on est un gouvernement de proximité, on veut avoir les
pouvoirs de décider où on veut des mines et où on n’en veut pas. »
Des changements législatifs sont donc nécessaires, croit le préfet.
Dans un mémoire dans le cadre de la Consultation sur la stratégie
nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires, la MRC conclut
d’ailleurs que « l’aménagement durable du territoire et le respect des
collectivités locales nécessitent des lois et des cadres actuels (dont
la Loi sur les mines, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et les
orientations gouvernementales pour les TIAM) afin de donner davantage de
pouvoirs aux municipalités, aux MRC et aux nations autochtones pour
protéger les milieux sensibles de leurs territoires ».
Cette question pourrait s’élargir à d’autres régions du Québec. Selon
M. Lauzon, la MRC des Laurentides a des demandes similaires, et un
comité de l’Union des municipalités du Québec se penche sur le dossier.
Le cabinet du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles,
Jonatan Julien, n’a pas répondu à nos demandes d’information
relativement à ce dossier.
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Creuser dans le sud du Québec, à la recherche de graphite
Roxane Léouzon
4 décembre 2021
À Saint-Michel-des-Saints, Nouveau Monde graphite s’attelle à creuser
ce qui pourrait devenir la plus grande exploitation de graphite en
Occident, selon l’entreprise. La minière a déjà reçu le feu vert de
Québec pour aller de l’avant en début d’année et peut compter sur
l’appui de la municipalité, mais des citoyens restent déterminés à
l’arrêter — et plaident coûte que coûte que les minières n’ont pas à
s’installer dans les zones de villégiature du sud de la province.
Le projet de mine à ciel ouvert de Matawinie se situe à deux heures
de Montréal, à côté du lac aux Pierres, au sud du parc régional du
Lac-Taureau, dans Lanaudière. « On est le plus gros projet et le plus
avancé en Amérique du Nord », lance sans détour Éric Desaulniers,
p.-d.g. de Nouveau Monde graphite et géologue de formation. Dès sa mise
en production, et ce, pendant 26 ans, la mine extraira 100 000 tonnes de
graphite par année de son gisement, dont la teneur s’élève à près de
4,35 % de graphite.
Le graphite, nécessaire pour le virage électrique des transports,
représente la moitié des composantes de la batterie aux ions de lithium,
soit environ 95 % de l’anode. « C’est aussi le minéral le plus contrôlé
de tous les matériaux de batterie », constate M. Desaulniers.
Présentement, la Chine accapare plus de 85 % de la production de toutes
les anodes (graphite naturel et synthétique) et 100 % des anodes
constituées de graphite naturel, selon les données de Benchmark
Minerals.
Nouveau Monde graphite ne cache pas qu’il a pour ambition de soutirer des parts de marché au géant asiatique et de se positionner comme un fournisseur de premier plan pour les manufacturiers qui veulent diversifier leurs sources
d’approvisionnement. « On sait bien qu’on ne va pas dépasser la Chine,
mais on veut être cet autre fournisseur », explique Éric Desaulniers.
La production de la mine, qui devait débuter à la fin de 2023,
devrait finalement plutôt être lancée en 2024 « parce qu’il faut faire
arrimer le développement de la mine à celui de l’usine de transformation
de Bécancour, dont les activités commerciales commenceront en 2025. Ça
ne sert à rien de démarrer la mine trop vite », souligne M. Desaulniers.
« Le projet de Bécancour est très important pour nous »,
reconnaît-il. Si l’entreprise met autant d’efforts sur le développement
de son procédé de transformation du graphite en matériel d’anode, c’est
que c’est là qu’elle en tire la valeur ajoutée. Environ 60 % de la
production de la mine sera ainsi envoyée à Bécancour, dont les produits
transformés sont destinés à l’industrie des batteries électriques.
Une communauté divisée
Le projet minier, situé dans le Nitaskinan, territoire ancestral
revendiqué par la nation atikamekw, ne fait toutefois pas l’unanimité au
sein de la communauté autochtone. Aucune entente n’a encore été signée
entre la nation et l’entreprise. En mars dernier, à Radio-Canada,
le Conseil des Atikamekw de Manawan disait vouloir obtenir des
redevances de 250 millions de dollars de la part de l’entreprise.
« Ils ont dit publiquement ce qu’ils veulent avoir. Mais on ne peut
pas offrir autant que ça, rétorque M. Desaulniers. Nous, par année, on
va donner environ 30 millions au gouvernement du Québec en redevances
minières. Et les Atikamekw veulent leur juste part du gâteau. Ça dépasse
vraiment ce qu’on peut faire, parce qu’ils veulent un pourcentage de ce
qu’on va donner au gouvernement du Québec. Là, c’est réellement une
discussion à trois. »
Mais les Atikamekw ne sont pas les seuls à être partagés quant au
projet. Une partie de la population, principalement des villégiateurs,
s’inquiète des répercussions du projet minier sur l’environnement et
l’écosystème touristique.
« C’est directement dans notre cour, donc c’est normal qu’on soit
très très interpellés par le projet », lance d’emblée May Dagher,
porte-parole de la Coalition des opposants à un projet minier en
Haute-Matawinie (COPH). « On n’a toujours eu qu’un seul son de cloche :
celui du promoteur et du conseil municipal qui appuie le projet
minier », déplore-t-elle.
Selon un sondage mené par la firme Léger,
plus de 80 % de la population serait favorable au projet à
Saint-Michel-des-Saints. Mais les villégiateurs remettent en cause la
représentativité du sondage.
« Le sondage est biaisé, lance Dmitri Kharitidi, membre de la COPH.
Ils ont appelé les lignes résidentielles locales, mais tous les
villégiateurs qui n’ont pas nécessairement de ligne fixe à
Saint-Michel-des-Saints et qui utilisent un téléphone portable n’ont pas
été consultés. Cela fait en sorte qu’ils ont sondé la partie de la
population qui était peut-être la plus favorable au projet parce qu’ils
anticipent les retombées sur l’emploi reliées à la mine »,
explique-t-il.
Cet élément a d’ailleurs été souligné dans le rapport du BAPE, déposé en juin 2020.
« L’échantillon comportait 5 % de villégiateurs, alors qu’ils
constituent environ 50 % de la population résidant sur le territoire de
la municipalité de Saint-Michel-des-Saints », y mentionne-t-on.
Non seulement les opposants ne veulent pas qu’une mine vienne
« défigurer » le paysage de Saint-Michel-des-Saints, mais ils craignent
aussi les risques liés aux résidus miniers toxiques, bien que Nouveau
Monde graphite assure que la méthode utilisée de « codisposition » — qui
vise à encapsuler les résidus acides et les métaux lourds dans les
résidus non toxiques — protège d’éventuelles « fuites ».
Même si les travaux d’infrastructures de la mine ont déjà commencé,
les opposants croient dur comme fer qu’ils peuvent encore faire avorter
le projet.
« C’est la première fois, au Québec, qu’une mine vient s’installer
dans un secteur de tourisme. Si le gouvernement commence à promouvoir ce
genre de projets, où va-t-il s’arrêter ? » interroge May Dagher.
Mobilisation dans le sud du Québec
« Le débat n’est pas de savoir si on est pour ou contre les
batteries », croit Ugo Lapointe, fondateur de Québec meilleure mine.
« C’est plus nuancé que ça. On est tous d’accord, mais il faut le faire
intelligemment. Car si on veut prétendre à faire du transport vert, il
faut que la chaîne soit verte du début à la fin », résume-t-il.
« Actuellement, c’est free for all, poursuit-il. Les
compagnies minières ont des titres miniers partout dans les Laurentides,
dans Lanaudière, dans l’Outaouais, et là, il y a des mobilisations
citoyennes très fortes. » Le projet de mine de graphite « La Loutre » de
Lomiko — près de la réserve faunique de Papineau-Labelle —, notamment,
suscite de vives inquiétudes chez les résidents du secteur.
« Il y a des municipalités qui se mobilisent pour réclamer du
gouvernement qu’il révise la Loi sur les mines. Il faut revoir les
critères des territoires incompatibles à l’activité minière au Québec,
parce qu’on n’est pas capables de protéger nos lacs, nos rivières et nos
milieux de villégiature », rapporte Ugo Lapointe.
« Il existe d’autres projets qui ont du sens, qui sont rentables et
pour lesquels il y a une bonne acceptabilité sociale. Par exemple, il y a
Mason Graphite et Focus Graphite, qui présentent certains avantages
pour nous, à Québec meilleure mine. Leur teneur en graphite est plus
élevée. Ils ne sont pas dans des zones de villégiature. Ils sont sur la
Côte-Nord. Et il y a une très bonne acceptabilité sociale », résume
M. Lapointe.
Selon lui, le Québec a la possibilité de choisir quelles réserves
exploiter et quelles zones plus fragiles protéger. « Oui, la demande va
exploser, mais les réserves mondiales sont aussi importantes. Le défi,
c’est d’y accéder et de gérer les coûts socio-environnementaux »,
insiste-t-il.
Le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation
Toute la MRC de Papineau appuie la protection des lacs
Yannick Boursier
7 décembre 2021
La MRC de Papineau et le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation (RPLPN) font front commun pour obtenir la protection des
lacs en lien avec la possibilité de voir apparaître des mines de
graphites.
Le RPLPN travaille depuis plusieurs années à sensibiliser les
citoyens de la MRC de Papineau à l’enjeu des claims miniers et du
développement possible de mines de graphite, notamment en lien avec le
projet Lomiko dans le secteur de Duhamel.
L’organisme qui représente plusieurs associations de propriétaires
près des lacs demandait aux municipalités de les appuyer dans leurs
démarches en adoptant une résolution. «On a approché les municipalités
autour du projet Lomiko au début, indique Louis St-Hilaire, porte-parole
du regroupement. On a agrandi le cercle par la suite.» Toute la MRC de
Papineau a maintenant emboité le pas avec ce projet, ce qui sera positif
pour l’avenir, espère M. St-Hilaire.
TIAM
L’objectif premier du regroupement est d’obtenir la protection des
lacs en lien avec l’activité minière. Les MRC peuvent adopter dans leur
schéma d’aménagement des Territoires incompatibles avec les activités
minières (TIAM).
Ce sont des endroits où il sera interdit de faire ce genre
d’activité. Toutefois, la MRC de Papineau et le gouvernement ne
s’entendent pas sur ces TIAM. La MRC tente de protéger tous ses lacs
complètement, alors que les règles du gouvernement prévoient une
protection différente qui permettrait notamment de l’activité minière
autour d’un lac où il n’y a pas au moins cinq résidences. Si bien que
toutes les demandes de TIAM faite par la MRC ont été refusées.
Louis-St-Hilaire souhaite que cette unanimité lance un message clair
au gouvernement. «Quand toute la population s’exprime comme ça,
théoriquement le gouvernement devrait comprendre ça.»
La situation n’est pas propre à l’Outaouais. D’autres MRC sont aussi
dans la même situation. «On continue de sensibiliser la population.
C’est pas mal fait dans Papineau, mais il y a plein de territoire à
sensibiliser, notamment les Laurentides.»
D’autres démarches seront prévues dans les prochaines semaines pour
continuer de faire avancer le dossier, indique Louis St-Hilaire.
Bouger vite
Pour sa part, le préfet de la MRC de Papineau, Benoit Lauzon, salue
lui aussi ce travail de concertation de la part des municipalités et du
regroupement. «C’est l’ensemble du territoire qui a des inquiétudes en
lien avec ce dossier-là. Ça démontre l’importance d’adopter nos
territoires incompatibles avec l’activité minière le plus rapidement
possible.»
Ce dernier estime que le temps va commencer à manquer pour en arriver
à une entente . Présentement, pendant le processus pour établir les
TIAM, le gouvernement a suspendu l’octroi de nouveaux claims. Mais cette
suspension ne sera pas éternelle.
«Il n’y a personne qui peut prendre de claim avec le territoire de la
MRC présentement. Mais ce moratoire-là a une date d’échéance. Il faut
s’entendre avant d’arriver là parce qu’on ne pourra pas le prolonger
probablement. Et alors, on va venir mettre à risques l’ensemble du
territoire.»
Le préfet entend aussi travailler avec les autres MRC qui ont fait
des demandes au gouvernement dans le même style que celles de la MRC de
Papineau. Il espère que l’unanimité du message envoyé par la MRC de
Papineau va aider à faire comprendre l’importance de ce dossier au
gouvernement.
La MRC Papineau prend position concernant l’industrie minière concernant l’industrie minière
Charlotte Leblanc-Haentjens
Mercredi 15 décembre 2021