Cohabitation avec l’industrie minière: Les élus municipaux veulent être entendus par Québec
La Presse
C’est aussi le scénario que les élus municipaux ne veulent pas avoir à suivre, ont-ils rappelé jeudi à Gatineau au cours du forum intitulé Intégration des activités minières : accessibilité sociale et acceptation organisé par l’UMQ.
Un forum au cours duquel les élus de l’UMQ ont adopté une « déclaration pour l’intégration harmonieuse des activités minières au territoire ». Celle-ci dresse une liste des demandes municipales au gouvernement du Québec « afin de tenir compte de l’évolution du contexte minier québécois » et la hausse de la demande pour assurer l’électrification des transports.
Dans une allocution préenregistrée, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, a indiqué aux élus qu’elle avait demandé à son ministère « de mettre en place une vaste démarche pour un développement harmonieux de l’activité minière ». Elle n’a pas donné plus de détails cependant.
« Un pouvoir rattaché à des conditions »
Les élus demandent notamment le retrait de l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et la modernisation des règles permettant aux MRC de désigner des portions de leur territoire incompatibles avec les activités minières.
L’article 246 prévoit que la Loi sur les mine sa préséance sur la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU). Ce qui signifie concrètement qu’aucune disposition de la LAU ne peut empêcher la désignation sur carte d’un claim, l’exploration, la recherche, la mise en valeur ou l’exploitation de substances minérales.
Quant à la désignation des territoires incompatibles avec l’activité minière ou TIAM, dans le jargon municipal, les élus font valoir qu’ils n’ont pas véritablement le pouvoir de fixer les limites du développement minier.
On nous dit qu’on nous donne le pouvoir, mais ça demeure un pouvoir rattaché à des conditions. Car dans bien des cas, la demande de la MRC est refusée parce que le pouvoir visé ne correspond pas aux critères établis par le gouvernement », a rappelé le président de l’UMQ, Daniel Côté, devant un parterre d’environ 200 personnes.
C’est ce qui est arrivé à la MRC d’Argenteuil, dans les Laurentides. Son projet de TIAM déposé en 2020 prévoyait que 87 % de son territoire était incompatible avec l’activité minière. Celui-ci a été rejeté par Québec.
La MRC de Papineau, en Outaouais, a aussi reçu un avis défavorable du gouvernement Legault en 2019 aprèsavoir soumis son projet à l’ancien ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. « La MRC de Papineau ne veut pas se faire avatariser », a illustré son directeur de l’aménagement, Arnaud Holleville pendant une présentation devant les élus.
Un mot « inventé » qui signifie une « action de vouloir exploiter un minerai sans prendre suffisamment en compte les préoccupations des populations locales », a-t-il expliqué. « Le gouvernement du Québec essaie de nous rassurer, mais on n’est pas rassurés », a précisé M. Holleville.
« En harmonie »
« On pense qu’on a les outils, mais peut-être qu’on ne les a pas tant que ça », a lancé Isabelle Perreault, préfète de la MRC de Matawinie, dans Lanaudière. « Ce sont de timides pouvoirs qu’on nous confère avec les TIAM », a ajouté le préfet de la MRC des Laurentides, Marc L’Heureux, indiquant qu’on devrait d’abord décider des zones où l’on veut de l’exploration minière et non le contraire. « Le premier ministre Legault parle d’acceptabilité sociale, mais on fonctionne à l’envers », croit-il.
Les municipalités sont les mieux placées pour assurer une cohabitation harmonieuse entre les activités minières et les autres activités présentes sur leurs territoires.
Daniel Côté, président de l’UMQ
« On ne souhaite pas interdire le développement minier, on ne veut pas interdire les claims, on ne veut pas empêcher le développement économique, ni la transition énergétique, a ajouté le maire de Gaspé et président de l’UMQ. Ce qu’on veut, c’est que les différentes utilisations de nos territoires soient en harmonie. »
De son côté, la PDG de l’Association minière du Québec, Josée Méthot, a tenu à rappeler que « l’industrie minière a beaucoup évolué au cours des dernières décennies ». « Elle place les citoyens et les communautés d’accueil au cœur de ses préoccupations. »
Selon MmeMéthot, l’exploration minière est essentielle pour trouver les bons gisements. « Plutôt que d’interdire, on devrait travailler ensemble », a-t-elle lancé aux élus, précisant que « toutes les étapes du développement minier sont très très très encadrées avec plus de 100 lois, règlements, directives et codes au fédéral et au provincial ».
Le porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, Ugo Lapointe, croit tout de même que des améliorations sont possibles. « On peut acheter un claim pour 70 $ en moins de 30 minutes avec seulement une connexion internet et une carte de crédit. Mais une municipalité doit mettre de 6 à 24 mois de travail pour justifier une demande de TIAM », a-t-il rappelé aux élus de l’UMQ.
Ani-Rose Deschatelets
26 janvier 2023
Le Droit
L’esprit était à la mobilisation au Palais des congrès de Gatineau jeudi où plus de 200 élus locaux et représentants des quatre coins de la province se sont réunis pour échanger sur l’acceptabilité sociale des activités minières. (...)
Selon M. Côté, les gouvernements locaux, étant plus proches des citoyens, sont les mieux placés pour garantir l’acceptabilité sociale des projetset éviter des affrontements entre citoyens et entreprises minières.
« Si on nous fait confiance pour gérer où s’installent des parcs industriels, des secteurs résidentiels et des zones agricoles, pourquoi on ne nous ferait pas confiance pour encadrer l’emplacement des activités minières ? » se demande M. Côté.
Protéger les lacs
Selon le président de l’UMQ, les élus locaux sont aussi les plus aptes à protéger les sources d’eau potable des citoyens. Il évoque la possibilité de désigner des zones de protection de bandes riveraines.Organisée par l'Union des municipalités du Québec (UQQ), la rencontre permettra surtout de discuter de cohabitation et d'acceptabilité sociale dans les municipalités qui sont visées par des droits d’exploration miniers.
Rappelons qu’un projet d’exploration minière dans la municipalité de Duhamel, en Outaouais, avait notamment suscité la controverse l’été dernier. Une vingtaine de municipalités de la MRC de Papineau avaient d’ailleurs lancé une campagne d’affichage pour s’opposer aux projets d’exploitation minière sur leur territoire.
Dans la MRC de Papineau et dans l’Outaouais, on a beaucoup de lithium, il y a aussi le graphite qu’on a pas encore développé, mais les prospecteurs ont l'œil très ouvert et ils font de l’exploration, a déclaré Mme Kamanyana en entrevue à l’émission Les matins d’ici, jeudi.
Les populations se sont mobilisées pour s’assurer que [l’exploration minière] soit faite avec acceptabilité sociale, parce que ce n'est pas la seule ressource qu’on a sur le terrain. On est une région qui a aussi de la villégiature, l’agriculture, on a des parcs, on a l’eau, ajoute-t-elle.
Une nouvelle coalition
Outre de nombreux politiciens attendus à l'événement, des organismes et des regroupements citoyens seront également présents.
Une nouvelle coalition, qui regroupe 75 associations de protection des lacs du Québec, participe aux discussions pour demander notamment un moratoire sur les attributions des droits d’exploitation miniers dans la province.
Le regroupement, qui se fait appeler la Coalition québécoise des lacs incompatibles avec l’activité minière ou Coalition QLAIM, s’inquiète particulièrement de l’engouement de l’industrie minière pour de nouveaux minéraux destinés à la fabrication de batterie.
On est dans un phénomène nouveau, ce n’est pas "business as usual", comme on dit. C’est une accélération, a affirmé le porte-parole du groupe Louis St Hilaire, en entrevue à l’émission Tout un matin, mercredi.
Rappelons que le dossier des territoires incompatibles avec l’industrie minière (TIAM) est une priorité pour la MRC de Papineau qui voit l’attribution de claims miniers grimpé en flèche sur son territoire depuis quelques années.
Plusieurs élus de la MRC de Papineau ont donc participé au forum minier qui se tenait aujourd’hui au Palais des congrès de Gatineau. Cet événement a été organisé par l’Union des municipalités du Québec (UMQ) en collaboration avec la MRC de Papineau qui a déposé un mémoire sur les TIAM en août 2022 et qui milite fortement pour que les critères des TIAM soient reconsidérés.
La MRC de Papineau a d’ailleurs eu la chance de présenter les grandes lignes de son mémoire lors du forum. « Dans le contexte actuel, nous risquons d’être « avatarisés », a mentionné le directeur du service de l’aménagement du territoire, Arnaud Holleville faisant référence au populaire film « Avatar » de James Cameron où des humains tentent de s’emparer d’un minerai d’une autre planète sans prendre en considération les préoccupations de la population locale. Il s’agit certes d’une image forte pour illustrer la problématique des claims miniers.
Le préfet de la MRC de Papineau a renchéri ses propos en spécifiant que la MRC de Papineau recèle d’une richesse touristique, forestière, biologique et économique exceptionnelle qui fait partie de son identité et qui doit être protégée et mise en valeur.
« La cohabitation harmonieuse des usages s’avère être un véritable défi auquel la MRC de Papineau doit répondre afin de mettre en valeur ces richesses lors de la planification de son territoire, a-t-il précisé. Cependant, l’application des critères de délimitation des TIAM fait ressortir plusieurs enjeux sur lesquels nous devons nous pencher. »
Il s’agit en fait d’un enjeu régional. Des concepts clés doivent être priorisés, dont la conciliation avec les activités touristiques et agricoles, le respect des collectivités locales, le rôle des municipalités locales et régionales en aménagement du territoire et la santé des lacs et des cours d’eau.
La MRC de Papineau espère, à la suite de ce forum, que le gouvernement engage des discussions et des consultations afin que les cadres règlementaires répondent à la réalité des différents milieux comme il est mentionné dans la déclaration. « Les critères découlant d’une orientation gouvernementale ne doivent plus être immuables, a déclaré M. Lauzon. Ils doivent être adaptés à la réalité des milieux, en tenant compte des autres possibilités d’utilisation du territoire, sans aller à l’encontre de l’objet et des principes d’une loi. »
Toujours selon le préfet de Papineau, la Loi sur les mines ne doit plus avoir préséance sur l’aménagement et l’urbanisme et ne doit pas non plus favoriser les activités minières au détriment des activités municipales, forestières, agricoles et de villégiature. « Les Lois-cadres doivent favoriser l’acceptabilité sociale de toute utilisation du territoire, y compris les activités minières, et doivent permettre aux MRC et aux municipalités locales d’aménager de façon durable leur propre territoire », a-t-il ajouté.
Malgré ses revendications, la MRC de Papineau n’est pas en désaccord avec l’installation de mines sur son territoire puisqu’elle est consciente des besoins en graphite pour la production de batterie de voitures électriques. « On ne veut juste pas les avoir n’importe où et nous désirons que les lois touchant les entreprises minières soient plus sévères, car pour l’instant, elles écrasent plusieurs lois existantes, dont celles sur l’aménagement du territoire. Ce que nous voulons par-dessus tout, c’est protéger nos paysages et la qualité de vie de nos citoyens, car l’implantation d’une mine c’est irréparable. »
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