mercredi 7 septembre 2022

L'exploitation minière s'invite dans la campagne électorale dans Papineau

NON à la mine La Loutre de Lomiko !   


L'exploitation minière s'invite dans la campagne électorale dans Papineau
Benoit Sabourin
7 septembre 2022
Le Droit

Les territoires incompatibles avec l’activité minière et l’épineuse question des claims miniers qui se multiplient à vitesse grand V depuis les dernières années dans la circonscription de Papineau s’invitent dans la campagne électorale provinciale.

Alors que François Legault était de passage dans la région, en début de semaine, la MRC de Papineau et le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation (RPLPN) ont profité de l’occasion pour sommer une nouvelle fois le premier ministre sortant et chef de la Coalition avenir Québec afin qu’il s’engage à décréter un moratoire sur l’attribution de nouveaux claims miniers en attendant qu’une refonte de la Loi sur les mines soit effectuée dans le but que les règles encadrant les Territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM) soient redéfinies. 

La région de l’Outaouais a connu une explosion de titres miniers de 211% depuis les 18 derniers mois, selon une coalition d’organismes locaux et nationaux dont fait partie le RPLPN.

Le nombre de claims miniers appartenant à des prospecteurs est passé de 1400 à 4359 titres, entre janvier 2021 et août 2022, en Outaouais. Plusieurs de ces titres ou droit d’exploration sont limitrophes à des zones touristiques, des lacs, des parcs régionaux et des secteurs agricoles et forestiers valorisés. Des réserves fauniques comme celles de Papineau-Labelle et La Vérendrye sont menacées, craignent citoyens et élus de la région.

Talonné lundi par des journalistes, lors d’une mêlée de presse, François Legault a réitéré que l’acceptabilité sociale était non négociable pour les futurs projets miniers au Québec. Il n’a toutefois pas évoqué la mise en place d’un moratoire si son parti est reporté au pouvoir à l’Assemblée nationale, le 3 octobre au soir.

«On ne fera pas de développement minier s’il n’y a pas d’acceptabilité sociale autour de la mine», a-t-il lancé.

Le préfet insatisfait 

Pour le préfet de la MRC de Papineau et maire de Thurso, Benoît Lauzon, cette réponse est inacceptable. Le projet de mine à ciel ouvert La Loutre, de l'entreprise Lomiko Metals, lequel est situé entre Duhamel et Lac-des-Plages, suscite l’inquiétude depuis plusieurs années dans la Petite-Nation. 

Cela fait plus d’un an que les maires de la région tentent de faire des représentations auprès du gouvernement caquiste pour négocier une mise à jour de la Loi sur les mines. 

Les rencontres avec le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, et le député sortant de Papineau et ministre responsable de l’Outaouais, Mathieu Lacombe, n’ont toutefois mené à rien de concluant. 

«Les claims continuent à croître de plus en plus sur notre territoire. On a beau dire que s’il n’y a pas d’acceptabilité sociale, il n’y aura pas de mine, mais quand la Loi sur les mines permet aux claims d’aller de l’avant et qu’on n’exige pas qu’il y ait consultation du BAPE, je ne comprends pas la réponse du premier ministre. Nous ne sommes pas contre le développement minier, mais ça ne peut pas se faire n’importe où. On demande un moratoire pour se donner le temps de travailler avec le ministère de l’Énergie afin d’adopter nos TIAM», tonne Benoît Lauzon.


Le préfet de la MRC de Papineau et maire de Thurso, Benoît Lauzon

Le préfet affirme que la MRC de Papineau ne doit pas devenir «une région sacrifiée pour l’électrification des transports» en raison de son fort potentiel d’exploitation du graphite, un minerai qui sert à la confection de batteries de véhicules électriques, notamment.

«Dans un dossier aussi important, il faut que le prochain député prenne l’engagement de prendre le flambeau et de défendre l’intérêt de son comté», affirme M. Lauzon.

Tous les candidats unanimes ou presque... 

Le Droit a demandé aux candidats des principaux partis dans la circonscription de Papineau leur opinion sur le sujet. Le député sortant et porte-couleurs de la CAQ, Mathieu Lacombe, n’était pas disponible pour nous accorder un entretien, mercredi, nous a-t-on dit.

«Nous n’avons pas l’intention d’empêcher les entreprises d’explorer le territoire pour voir s’il y a des possibilités d’exploiter une mine», a-t-il fait savoir dans une réponse écrite tout en référant à la déclaration de François Legault sur l’acceptabilité sociale.


Le député sortant et porte-couleurs de la CAQ, Mathieu Lacombe

En entrevue, la candidate solidaire, Marie-Claude Latourelle, a souligné pour sa part que l’Association de Québec solidaire Papineau appuyait les revendications des intervenants du milieu dans cette cause depuis 2020. La révision de la Loi sur les mines fait partie du programme du parti, insiste Mme Latourelle. 

«Si je suis élue, c’est sûr que je vais me battre avec eux pour mettre en place un moratoire sur les claims dans les zones de villégiature. Il faut aussi que le règlement des TIAM soit révisé. [...] On est conscient qu’on a besoin de ces métaux pour faire la transition écologique pour avoir les batteries, mais il ne faut pas le faire n’importe comment», dit-elle.


La candidate solidaire dans Papineau, Marie-Claude Latourelle,

La représentante du Parti québécois, Audrey-Ann Chicoine, dit aussi appuyer la mobilisation derrière la demande d’un tel moratoire. «C’est inconcevable que l’exploitation minière vienne détruire ces joyaux de notre territoire que sont les lacs et la réserve faunique Papineau-Labelle. Ça change le décor. Une des priorités de ma campagne est de redonner le pouvoir aux municipalités. Je prône la décentralisation du pouvoir», clame la candidate péquiste.

La représentante du Parti québécois, Audrey-Ann Chicoine

Mathieu Lacombe pointé du doigt par certains de ses adversaires

De son côté, la candidate du Parti libéral du Québec dans Papineau, Wittlyn Kate Semervil, a dévoilé mercredi son premier engament de la campagne en promettant qu’elle mettra sur pied «une consultation nationale visant l’exploitation minière dans le sud du Québec», si elle est élue. La candidate souligne que cette consultation pourrait prendre la forme d’un BAPE générique sur le sujet. Cet exercice permettrait de déterminer s’il est nécessaire de modifier la Loi sur les mines et les règles des TIAM.

«Il n’y aurait aucun développement minier sans appui tant qu’on n’a pas déterminé ensemble les prochaines étapes avec les personnes concernées et les élus. La Loi sur les mines est archaïque», note Mme Semervil.


La candidate du Parti libéral du Québec dans Papineau, Wittlyn Kate Semervil

La libérale reproche au caquiste Mathieu Lacombe d’avoir «abandonné les citoyens» du comté avec cet enjeu.

«Les gens, lorsqu’ils viennent me parler, ce qu’ils me disent, c’est que le ministre n’était pas présent. J’ai été étonnée par les propos du premier ministre cette semaine parce qu’aucune action formelle n’a été prise et le ministre régional, qui est aussi député de Papineau, est absent», mentionne Mme Semervil.

Le candidat du Parti conservateur du Québec, Marc Carrière, accuse aussi le député sortant d’être responsable du contexte actuel. M. Carrière reproche au représentant de la CAQ de ne pas avoir été à l’écoute de la communauté ces dernières années dans le dossier de l’exploitation minière. Le porte-couleurs de la formation politique d’Éric Duhaime lance une flèche à M. Lacombe qui avait quitté l’Outaouais, en 2019, pour déménager à Terrebonne, pour des motifs familiaux. 


Le candidat du Parti conservateur du Québec, Marc Carrière

«Il faut être présent et être sur le terrain. Si on n’est pas à l’affût de ce qui se passe vraiment sur le territoire, parce qu’on est ailleurs, parce qu’on habite ailleurs, ça fait que c’est difficile de passer notre message au gouvernement. [...] Pour représenter les citoyens, il faut les connaître et il faut savoir ce qui se passe dans la vraie vie», indique l’ancien conseiller municipal à la Ville de Gatineau.

Selon ce dernier, «un moratoire s’impose» dans les plus brefs délais pour les nouveaux titres miniers. «On ne dit pas non au développement. C’est de l’argent neuf qui peut rentrer dans les coffres de l’État, mais ce moratoire devient nécessaire pour qu’on s’assure de faire un portrait global de la région et que cette exploitation se fasse dans le respect des gens qui habitent le territoire», affirme le candidat conservateur.


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